Histoire du Consulat et de l'Empire
180l .
C'est en effet vers le parti jacobin que se tourne d'abord la police de Fouché, au lendemain de l'attentat de la rue Saint-Nicaise. Au couteau, arme par excellence du tyrannicide depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine, les conjurés ont préféré la poudre.
Pourtant, de César assassiné par Brutus à Marat poignardé par Charlotte Corday, en passant par Henri IV victime de la lame de Ravaillac, ou Louis XV échappant au fer de Damiens, c'est au couteau que se règlent les différends politiques, du moins en France. Le poignard, comme le poison, est l'arme favorite de la vengeance personnelle ou du complot de cour. Il nécessite une certaine familiarité avec la victime et une grande habileté. L'arme utilisée en décembre 1800, dans l'attentat de la rue Saint-Nicaise, est d'un autre ordre.
Elle est plus moderne, sans être pour autant plus efficace. La
« machine infernale » comme l'ont appelée les partisans de Bonaparte n'est en réalité qu'un baril de poudre monté sur un cabriolet et destiné à exploser au moment où passerait la voiture du Premier consul. Le procédé est cependant aléatoire, puisque l'allumage s'opère avant le passage de la voiture et ne peut donc qu'être approximatif. C'est ce qui advint le 24 décembre 1800. Bonaparte se rendait à l'Opéra lorsque, quelques instants après son passage, une explosion se produisit, faisant deux morts et six blessés. Immédiatement, l'attentat est attribué aux jacobins alors qu'il avait été fomenté par les royalistes. Cette erreur d'appréciation a été parfois présentée comme un calcul qui aurait permis d'éliminer tour à tour les deux factions les plus dangereuses : les jacobins et les royalistes.
Certes, ce résultat fut obtenu, mais dans le détail l'enchaînement des motifs est plus complexe.
Tout d'abord, la police fut conduite à soupçonner les jacobins parce qu'elle avait eu connaissance de la préparation d'un complot du même type. En octobre 1800, un certain Chevalier, artificier et 89
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
ancien employé du Comité de salut public, avait préparé un engin explosif dont il avait même essayé les possibilités, un soir d'octobre 1800, derrière la Salpêtrière. Cette explosion aux portes de Paris avait suscité l'intérêt de la police qui n'avait pas eu trop de difficultés à arrêter Chevalier et ses complices. Rien n'interdisait de penser que l'idée avait été reprise par d'autres. De fait, lorsqu'une machine infernale, construite à peu près selon les plans retrouvés chez Chevalier, explose, les soupçons se tournent vers le parti jacobin. C'était aussi ce qu'avaient prévu les royalistes, organisateurs de l'attentat. En reprenant les projets de Chevalier, décidément fort répandus, ils escomptaient que la responsabilité de l'attentat serait imputée aux jacobins. Ceux-ci éliminés, les royalistes n'en apparaîtraient que mieux à même de rétablir l'ordre dans le pays.
Néanmoins, le premier effet de surprise passé, la responsabilité jacobine se dissipe. Fouché est très tôt convaincu que le complot a été fomenté par des chouans, ce que l'enquête de police, diligentée par le préfet de police en personne, Dubois, confirme assez vite. Ces découvertes n'entravent pas la marche de la répression antijacobine.
Dès le lendemain de l'attentat, Bonaparte avait stigmatisé le clan des « massacreurs de Septembre », et avait établi une liste d'individus à déporter. Devant le Conseil d'État, il s'en prend aux « quatre à cinq cents individus couverts de crimes, sans asile, sans occupation et sans ressources. Ces hommes, ajoute-t-il, sont une armée continuellement agissante contre le gouvernement [ .. ] Il faut enfin pur
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ger la société de ce fléau. Il faut que, d'ici à cinq jours, vingt ou trente de ces monstres expirent et que deux à trois cents autres soient déportés ». D'anciens sans-culottes sont alors arrêtés, puis déportés, sans qu'aucune preuve ait pu, et pour cause, être apportée contre eux. Même s'il y eut quelques erreurs, la police mit la main surtout sur les chefs de file du mouvement jacobin, ainsi dans le remuant faubourg Saint-Antoine où les principaux meneurs sont arrêtés. Comme l'avait indiqué Bonaparte en suggérant une véritable décimation, la répression est sélective ; elle distingue les
« exclusifs », c'est-à-dire les jacobins jugés les plus dangereux, et les autres que le pouvoir
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