Histoire du Consulat et de l'Empire
considérée dans ses rapports avec les institutions sociales remplissant à nouveau le salon de Mme de Staël. « Il n'y avait pas un mot sur Bonaparte dans mon livre sur la littérature, écritelle, mais les sentiments libéraux y étaient exprimés avec force 6. » Dans les mois suivants, ses rapports avec Bonaparte s'enveniment. Au début de 1802, Constant est victime de l'épuration du Tribunat . À la fin de
.
la même année, la publication de Delphine où Germaine de Staël manifeste indirectement ses réserves à l'égard du régime conduit Bonaparte à l'exiler de Paris. Elle reçoit l'ordre, le 15 octobre 1803, de s'éloigner à plus de quarante lieues de la capitale. Elle part alors pour l'Allemagne avec Constant, avant de se retirer à Coppet.
Benjamin Constant n'en poursuit pas moins sa réflexion, au travers de contributions données au journal Le Publiciste, autre tribune du libéralisme.
Le tableau de l'opposition libérale au Consulat ne saurait être complet si l'on n'y ajoutait certaines figures isolées, celle en particulier de La Fayette. Le héros de la guerre d'Indépendance américaine, le commandant de la garde nationale qui fit prêter au roi Louis XVI, le 14 juillet 1790, le serment de fidélité à la nation et à la loi, vivait en exil en Hollande lorsque Bonaparte prit le pouvoir. Il lui devait pourtant d'avoir été libéré des geôles autrichiennes en 17�7, à la suite du traité de Campoformio, et, depuis le retour d'Egypte, suivait de loin, mais avec attention, la progression du jeune général. « Je ne lui crois pas la sottise de vouloir n'être qu'un despote }>, écrit-il le 30 octobre 1799 à sa femme. Approuvant le coup d'Etat, il est autorisé à rentrer en France, mais il n'entend pas aliéner sa liberté et refuse le poste de sénateur qui lui est proposé :
« Si Bonaparte veut servir la liberté, je lui suis dévoué, s'exclamet-il, mais je ne veux ni approuver un gouvernement arbitraire ni m'y associer. » Cette attitude ne l'empêche· pas de fréquenter les salons 96
LA LUITE CONTRE LES OPPOSITIONS
de Joséphine et de côtoyer Bonaparte, mais il reste ferme dans son refus de collaborer avec le nouveau régime,
tour à tour
la Légion d'honneur et une ambassade aux avant de
voter contre le Consulat à vie : « Je ne puis voter pour une telle magistrature jusqu'à ce que la liberté publique soit suffisamment garantie. » Il se prononce de même contre la proclamation de l'Empire et se retire alors sur ses terres de Seineet-Marne, tout en restant en contact avec les autres représentants du courant libéral, notamment par l'intermédiaire de son fils Georges qui a épousé en 1802 la fille de Destutt de Tracy.
L'exemple de La Fayette est très représentatif de l'incapacité des libéraux à s'organiser et à s'unir pour lutter contre l'arbitraire qui monte dans le pays. Ils le peuvent d'autant plus difficilement que le pouvoir les a couverts d'honneurs et de places comme les Idéologues, ou leur a permis de retrouver en France leur foyer et leurs terres. L'habileté du gouvernement consulaire tient précisément dans cette distribution de faveurs qui émousse la résistance des plus irréductibles. Dans le même temps, Bonaparte choisit une stratégie de l'isolement qui a pour objectif d'empêcher la constitution de partis hostiles, mais aussi de briser les personnalités. Plutôt que d'attaquer de front l'opposition libérale, Bonaparte a choisi de l'étouffer, en l'empêchant de s'exprimer partout où elle le pouvait, dans les assemblées, à l'Institut ou dans la presse. L'aspiration à la liberté est ainsi renvoyée à la sphère du privé. Mais cette stratégie a des limites, lorsqu'il s'agit d'opposants plus vindicatifs, comme c'est le cas des royalistes.
3. LES DERNIERS FEUX DU PARTI ROYALISTE
En 1799, au moment de l'effondrement du Directoire, les royalistes nourrissaient de sérieux espoirs de reprendre le pouvoir en France. Les divisions traditionnelles entre partisans d'une monarchie constitutionnelle, désireux de faire appel au duc d'Orléans, et tenants d'une restauration pleine et entière des Bourbons, s'étaient estompées, tant la nécessité d'en finir avec la Révolution paraissait urgente. Les levées d'armes dans le Sud-Ouest et l'Ouest avaient représenté les manifestations l�s plus marquantes de cette aspiration monarchique. Le coup d'Etat du 18 brumaire mit à mal ces espoirs.
En instaurant un régime fort en France,
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