Histoire du Consulat et de l'Empire
également publié ses propres réflexions sur la Révolution. C'est en 1797 que René de Chateaubriand fait paraître à Londres son Essai historique, politique et moral sur les révolutions considérées dans leur rapport avec la Révolution française. « L'Essai offre le compendium de mon existence, comme poète, moraliste, publiciste et politique », écrira Chateaubriand dans les Mémoires d'outre-tombe ; l'écho en est cependant faible : « Une ombre subite engloutit le premier rayon de ma gloire », poursuit l'auteur. L'Essai marquait les doutes de Chateaubriand à l'égard de Dieu. La mort de sa mère en 1798 devait le ramener vers la religion. Peu après, il entame la rédaction du Génie du christianisme. Commencé à Londres, l'ouvrage est poursuivi à Paris où Chateaubriand est rentré clandestinement, comme beaucoup d'autres, en mars 1800. Il y retrouve son ami Fontanes et s'installe chez Joubert. Mathieu Molé complète bientôt ce groupe.
C'est par Fontanes que Chateaubriand entre à la rédaction du Mercure. Peu après il publie Atala, roman séparé du Génie du christianisme auquel il continue de travailler jusqu'en 1802. Les négociations en vue du Concordat l'ont persuadé, depuis l'automne de 1800, de l'importance des phénomènes religieux dans la société. Il attend du reste la publication du Concordat pour éditer son ouvrage. « Ce fut au milieu des débris de nos temples que je publiai le Génie du christianisme », raconte avec grandiloquence Chateaubriand dans ses Mémoires. L'ouvrage rencontre un très grand succès qui ne peut que réjouir le régime en place ; il légitime en effet le rétablissement des autels par le Consulat. Le Génie devient une arme contre les détracteurs du Concordat qui s'opposent à sa publication par fidélité à l'esprit des Lumières. Il participe de la vague contrerévolutionnaire que le régime laisse monter pour mieux contrecarrer les velléités des héritiers de 1789. L'appui recherché des royalistes qui se traduit, dans le cas de Chateaubriand, par une nomination d'attaché d'ambassade à Rome, suppose sinon une adhésion franche, au moins une réelle neutralité de leur part.
Les royalistes irréductibles refusent cette neutralité, même s'ils ont cru un moment pouvoir utiliser Bonaparte pour restaurer la 99
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
monarchie. C'est dans ce sens qu'il faut interpréter les contacts entre le Premier consul et les représentants du parti royaliste en France, comme l'échange de correspondance entre lui-même et le prétendant au trône. Au moment où Bonaparte engage des négociations avec les chefs de la chouannerie, il accepte également de recevoir deux des chefs du parti royaliste, à savoir Hyde de Neuville, chef de l'agence royaliste à Paris, et Louis d'Andigné, un des principaux généraux chouans mandatés par ses pairs pour cette négociation. Ces derniers ont alors reçu l'ordre depuis Londres de ne rien tenter contre le pouvoir issu du 18-Brumaire. Hyde de Neuville et d'Andigné ont tous les deux raconté l'entrevue dans leurs Mémoires.
Hyde de Neuville voit une première fois Bonaparte, seul : « La porte s'ouvrit. Instinctivement je regardai celui qui entrait, petit, maigre, les cheveux collés sur les tempes, la démarche hésitante ; l'homme qui m'apparut n'était en rien celui que mon imagination me représentait 7. » D 'un regard, Bonaparte transforme le premier sentiment de son visiteur : « L'homme avait grandi pour moi tout à coup de cent coudées. » Le lendemain, l'entrevue associe le général d'Andigné et se déroule en présence de Talleyrand. Après avoir réglé le sort des officiers émigrés, ils en viennent à la question de la restauration, Hyde de Neuville rapportant le refus de Bonaparte :
« Il protesta de nouveau qu'il ne rétablirait point les Bourbons, et il nous répéta plusieurs fois que si les royalistes ne venaient pas à lui, ils seraient exterminés B. » L'échange de vues s'achève donc sur un résultat négatif, d'Andigné refusant de se satisfaire de la seule parole de Bonaparte. La lettre qu'il lui adresse quelques jours plus tard en faveur de la restauration ne trouve pas davantage d'écho.
Les royalistes qui refusent de se rallier sont ainsi contraints de trouver d'autres moyens d'action.
Hyde de Neuville continue alors d'animer l'agence royaliste de Paris dont les premières mesures sont essentiellement symboliques.
Le 21 janvier 1800, par
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