Histoire du Consulat et de l'Empire
fêtes laïques et républicaines sont supplantées par des cérémonies tout à la fois nationales et religieuses. Le plus bel exemple en est offert par la fête du 18 avril 1802, correspondant au jour de Pâques. Une grande cérémonie religieuse est organisée à Notre-Dame de Paris pour célébrer « la paix des consciences, la paix des familles, cent fois 134
LE CONSULAT À VIE
plus importante pour le bonheur des peuples », selon le mot de Bonaparte. Le légat du pape, le cardinal Caprara, célèbre une messe d'action de grâces en présence des représentants de l'État. Les cloches de la cathédrale résonnent de nouveau dans Paris et sont reprises en écho à travers toute la France. Ce n'est pas un hasard si Bonaparte choisit cette occasion, hautement symbolique dans l'année chrétienne, pour célébrer à la fois la paix d'Amiens avec l'Angleterre et la promulgation du Concordat, voté par le Corps législatif dix jours plus tôt. Le jour de Pâques marque la résurrection de l'ordre et de la paix après dix ans de guerre et d'abstinence.
Le message est clair. Bonaparte veut apparaître simultanément comme l'homme de la paix extérieure et de la paix religieuse. Il lui faut pour cela frapper les esprits. La cérémonie religieuse du 18 avril, avec son déploiement d'ornements et son ébranlement de cloches, répond à cet objectif. Le Premier consul ne craint pas de choquer les républicains, car, en dépit de quelques résistances, le rétablissement de la paix religieuse est bien perçu par l'opinion publique, comme l'attestent les manifestations de liesse populaire en �e jour de Pâques 1802.
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A partir de cette date, le religieux réinvestit l'Etat. Bonaparte a permis la réouverture de la chapelle des Tuileries où une messe est dite chaque dimanche matin, comme à Saint-Cloud ou à Fontainebleau, lorsque la Cour s'y trouve. Les fêtes du 15 août achèvent ce processus de réinvestissement de la fête nationale par le religieux.
Les fêtes républicaines ont toujours conservé un ferment de division. Bonaparte entend donc les remplacer par de nouvelles fêtes nationales comportant une dose de symbolique chrétienne, ce qui les rend, à ses yeux, acceptables par tous. La réutilisation des rites religieux est à même de favoriser le consensus national. Cette place accordée au religieux dans l'enracinement du régime est un signe supplémentaire de son cheminement vers l'Empire. Bonaparte ne peut en effet concevoir de monarchie que chrétienne.
4. VERS L'EMPIRE
Le projet de transformer le Consulat en un régime héréditaire est ancien puisque dès 1800 le parti néomonarchiste, conduit par Fontanes, avait envisagé ce tournant politique et trouvé en Lucien Bonaparte un allié de poids. Les réticences sont alors trop nombreuses du côté des républicains pour que le Premier consul accepte d'emblée cette évolution. Il n'en saisit pas moins toutes les occasions pour asseoir son autorité par le rétablissement des formes monarchiques du pouvoir. L'installation aux Tuileries a représenté la première étape de ce réinvestissement de la symbolique monarchique, même si le rituel de cour est encore réduit en 1800. Le véri-135
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
table tournant s'opère en 1802, avant même le vote du consulat à vie. Déjà le texte du Concordat contenait des formules accréditant l'idée d'une continuité entre la monarchie d'Ancien Régime et le Consulat ; Bonaparte revendiquait auprès de Rome les mêmes prérogatives que les anciens rois. C'est aussi en sa qualité de quasisouverain catholique qu'il obtenait le droit de nomination des évêques. Le texte de la Constitution de l'an X, en lui concédant le droit de grâce, renforce ses pouvoirs régaliens. L'établissement de la Légion d'honneur, en mai 1802, lui permet enfin de distribuer à sa guise des récompenses et de former ainsi au sein du pays une caste à part, celle des légionnaires, assimilable à une nouvelle noblesse. A Inspiré des ordres de chevalerie existant depuis le Moyen Age, l'ordre de la Légion d'honneur fut créé après de vifs débats pour récompenser les citoyens qui se seraient distingués tant par leurs actions militaires que par leurs services au profit de la collectivité.
L'9bjectif de Bonaparte était de fonder une caste de serviteurs de l'Etat, d'autant plus dévoués qu'ils auraient été récompensés pour leurs mérites passés. La dimension militaire de la
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