Histoire du Japon
postes nouveaux des hommes qui, sous l’ancien système, eussent rempli des charges similaires. Ainsi, les grands propriétaires fonciers devinrent gouverneurs provinciaux et reçurent à la cour le rang approprié et les émoluments correspondants. La noblesse terrienne de moindre importance se partagea les postes de gouverneurs de districts, et, dans la mesure du possible, on se servit des gens du cru sachant lire, écrire et compter pour créer tout un personnel permanent de fonctionnaires mineurs, secrétaires, comptables et collecteurs d’impôts. Ces dispositions ne suscitèrent que peu d’opposition active, car les salaires et les rentes officielles compensaient chez les propriétaires la perte des revenus fiscaux directs dont ils jouissaient jusque-là. Ces diverses raisons expliquent que les premières étapes de la réforme ne rencontrèrent pas de très grands obstacles, et que les principes de pouvoir central et de propriété d’État furent apparemment acceptés sans trop de discussion.
Le gouvernement central n’était en aucun cas suffisamment puissant pour imposer ces nouvelles règles sans tenir compte des circonstances, et il est pratiquement certain que le degré de soumission à ses ordres varia d’une région à l’autre en fonction des conditions locales et du tempérament des notables régionaux. D’ailleurs, à part ceux des propriétaires qui pouvaient déplorer une perte d’indépendance, bien des gens devaient se trouver dans une situation meilleure, jouissant désormais d’un revenu régulier, d’un prestige accru et d’une autorité plus grande en tant qu’officiers du gouvernement. Et quant au commun des hommes libres vivant de la culture du sol, il devait recevoir une parcelle calculée en fonction des « bouches » que comptait sa maison, et verrait ainsi assurée la subsistance de sa famille ; de plus, théoriquement du moins, il payait maintenant une somme d’impôts déterminée au collecteur local et n’était plus soumis aux exigences arbitraires de dignitaires particuliers.
Telle était la situation en 646, et nous verrons maintenant ce que le nouveau système devint à l’usage. Mais il nous faut d’abord revenir aux événements liés à ce qui se passait en Corée, car il est important de comprendre à quel point la politique du continent influençait les affaires intérieures du Japon.
Nous avons vu que la pression chinoise sur la Corée suscita l’inquiétude des Japonais dès le début du vue siècle. Quand l’expédition de secours au Paekche fut défaite par les forces Tang, le prince Naka no Öe (qui régna de facto de 655 à 662 puis devint l’empereur Tenchi) retira son armée de la péninsule coréenne. On était alors en 662, et l’Édit de Réforme était en vigueur depuis une quinzaine d’années. Le prince et ses conseillers avaient compris qu’ils ne pouvaient rivaliser avec l’immense puissance de l’empire Tang, et désormais, conformément aux intentions de Shôtoku Taishi, ils étaient décidés à abandonner toutes leurs ambitions en Corée et à consacrer leurs efforts à l’amélioration de leurs rapports avec la Chine, qui avait tant de choses à leur apprendre. Tout en prenant des mesures de défense préventives, ils cherchèrent donc à renouer des relations amicales avec le gouvernement Tang.
Des émissaires furent envoyés au vice-roi chinois de l’ancien État du Paekche, Liu Renyuan, qui, en 664, chargea un représentant d’apporter au Japon une lettre et des cadeaux, sans doute en échange de ceux que lui-même avait reçus, bien que la chronique n’en dise rien. L’année suivante, le même représentant retourna au Japon en compagnie d’un ambassadeur Tang ; après l’accueil chaleureux qu’elle reçut à la cour (où elle eut droit à une sorte de parade militaire), la mission regagna la Chine escortée par une ambassade japonaise. Tout cela en 665. Durant le règne de Suiko, une difficulté d’ordre diplomatique était survenue entre les deux cours à la suite d’une lettre où le souverain du Japon, s’intitulant lui-même souverain du Pays du Soleil Levant, s’adressait au souverain chinois (Yangdi, de la dynastie des Sui) comme à l’empereur du Pays du Soleil Couchant. Lorsque, en 607, l’ambassadeur japonais présenta ses lettres de créance à Chang’an, les Chinois, qui, dans leur superbe, tenaient leurs voisins orientaux pour des barbares gouvernés par des roitelets, prirent ombrage du
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