Histoire du Japon
nouvel empereur, Jomei, mourut en 641, et le clan Soga décida une fois de plus de la succession, choisissant une petite-fille de Bidatsu (qui, rappelons-le, avait épousé une fille Soga).
Soga Emishi prenait désormais des airs de souverain. Il se construisit une tombe d’une ampleur impériale, et il conféra de hauts titres à son fils Iruka et à ses autres enfants, usurpant ainsi la prérogative du Trône. Il était presque tout-puissant. Yamashiro no Oe jouissait d’une grande influence, et Emishi finit par décider de se débarrasser de lui. Il fut traîtreusement capturé par Iruka avec les membres de sa famille, et tous se suicidèrent ou furent mis à mort. Emishi et Iruka exerçaient un pouvoir tyrannique. Ils vivaient dans des palais fortifiés, rudoyaient les princes, maltraitaient la noblesse. Toute opposition semblait balayée, et une nombreuse garde du corps composée de rudes combattants protégeait les Soga. Ils avaient en outre le soutien de plusieurs groupes d’émigrés, coréens ou chinois, capables de leur fournir une aide précieuse, et ils semblent s’être rendus populaires parmi les Aïnous du Japon oriental. Il n’est guère douteux que, rejetant la prudence dont le grand Soga Iname avait su faire preuve en demeurant derrière le Trône, ils visaient à la destruction de la dynastie régnante. Iruka surtout était un homme violent et maladroit, car non seulement il offensait les nobles, mais encore il bafouait les intérêts et blessait l’orgueil des branches cadettes du clan Soga.
L’inévitable épreuve de force se produisit en 644, quand le chef de la famille Nakatomi (qui avait perdu son importance à cause du succès des Soga et de la montée du bouddhisme) se mit à conspirer avec le prince Naka no Œ et un représentant lésé du clan Soga la perte d’Emishi et d’Iruka. Par un stratagème déloyal non moins répréhensible que ceux auxquels les Soga recouraient d’ordinaire, après une empoignade avec des assassins suant d’effroi, Iruka fut tué à la cour devant l’impératrice qu’il avait placée sur le trône. Naka no Œ et les siens disparurent alors dans un monastère pour se préparer à la lutte. Cependant, les partisans d’Emishi se dispersèrent sans organiser leur défense, et maints d’entre eux furent bientôt mis à mort. L’impératrice Kôgyoku abdiqua le lendemain, et le prince impérial Karu devint l’empereur Kôtoku (645), Naka no öe lui-même étant désigné héritier présomptif. Kurayamada, le Soga qui avait rallié le complot contre Yemishi et Iruka, fut nommé grand ministre. Naka no Œ avait épousé la fille de ce dernier – le mariage entrait dans le complot –, en sorte qu’une grande partie du clan Soga se trouvait désormais du côté du Trône. Il restait toutefois un récalcitrant en la personne du prince Furubito no Œ, ancien favori d’Iruka. Il prit la tête d’un soulèvement manqué en 646 et fut tué par les hommes de Naka no Œ, tandis que les femmes de sa famille se suicidaient pour éviter d’être mis en esclavage.
Ces cruels et sordides épisodes n’ont rien de particulièrement intéressant en tant qu’exemples du comportement humain. L’histoire de tout pays, oriental ou occidental, présente une abondance d’incidents tout aussi révoltants. Mais les faits rapportés ici ont un étroit rapport avec deux problèmes importants de l’histoire du Japon. Le premier concerne la survie de la maison impériale en dépit de sa faiblesse et de la puissance des grands clans ; le second, la nature de la société japonaise avant les réformes qui suivirent la mort des faiseurs de rois Soga.
La maison impériale semble avoir survécu à tant d’orages parce que les souverains régnaient mais ne gouvernaient pas, ce qui est une excellente recette de stabilité dynastique. Mais il est vrai aussi que malgré les excès d’Emishi et Iruka, les membres de la famille Soga servirent au bout du compte de protecteurs du Trône. Sa sauvegarde revêtait pour eux un intérêt particulier du fait que tant de sang Soga circulait dans les veines impériales.
Quant à la situation du Japon avant 645, il est clair qu’il n’était en aucune façon aussi organisé, aussi civilisé que le langage des historiens officiels pourrait le suggérer. Mais il faut se souvenir que les chroniqueurs étaient incapables d’écrire une seule ligne d’histoire sans connaître la langue et l’écriture chinoises. Ils commettaient ainsi
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