Histoire du Japon
fait que le monarque du Japon se considérait comme l’égal de l’empereur de Chine. La difficulté fut toutefois en partie surmontée, quand bien même les rapports entre les deux cours demeurèrent délicats pendant quelque temps. On jugea préférable d’éviter les échanges écrits, tout en maintenant les relations officielles sur un pied personnel. Des ambassadeurs japonais furent envoyés en Chine à intervalles irréguliers, et pour la période allant de 630 à 665, les registres de la cour Tang ne mentionnent en réalité que quatre missions, dont la dernière fut celle que dépêcha l’empereur Tenchi.
Mais pour les Japonais, les visites officieuses ou privées avaient beaucoup plus d’intérêt que les missions officielles. Les communications par mer étaient alors si importantes que la capitale, Asuka, fut transférée de l’intérieur à Toyosaki, à l’embouchure du Yodo, sous le règne de l’empereur Kôtoku, qui débuta la première année de la Grande Réforme. Ce fut le va-et-vient des étudiants, professeurs, moines, juristes, artistes et artisans entre le continent et le Japon qui fournit au parti des réformateurs les connaissances que nécessitaient ses projets. Non seulement ces voyageurs rapportaient de précieux ouvrages, mais encore ils pouvaient décrire les institutions d’un État hautement organisé et raconter ce qu’eux-mêmes avaient observé des méthodes administratives du gouvernement Tang, de sa bureaucratie minutieusement hiérarchisée et de l’étendue de son pouvoir. Ce n’étaient pas de simples voyageurs, mais des étudiants qui consacraient de longues périodes à approfondir leur sujet. Parmi ceux qui accompagnèrent Ono no Imoko lors de la traversée qu’il fit en 607, deux restèrent sur le continent pendant plus de trente ans : l’étudiant laïc Takamuko no Kuromaro et le prêtre bouddhiste Bin. En 645, à la veille de la Grande Réforme, ils reçurent le titre de kunino-hakase, ou lettrés nationaux, honneur qui montre bien quelle importance on attachait à leurs services.
Signalons également ici que, tandis que les réformes progressaient, si leurs dirigeants avaient affaire à une situation difficile en Corée, les conditions régnant à l’intérieur étaient loin de leur épargner tout souci. Un peu plus de vingt-cinq ans après la publication de l’Édit de Réforme, une grave révolte se produisit à la suite du décès de l’empereur Tenchi, en 671. Une violente querelle de succession éclata. Le fils qui avait succédé à Tenchi fut tué au cours d’une guerre civile qui dura plusieurs mois, et le prétendant rebelle victorieux, frère cadet de Tenchi, monta sur le trône en 672 et devint l’empereur Temmu. Cette lutte de factions fut certainement accueillie, sinon entretenue, comme un obstacle bienvenu au mouvement de réforme par ceux des nobles qui y demeuraient opposés.
LA MONTÉE DU BOUDDHISME
Puisque l’influence du bouddhisme sur la vie japonaise tient une place importante dans l’histoire du pays, peut-être vaut-il la peine de donner ici un bref aperçu de la doctrine bouddhique à l’intention de ceux qui ne sont pas familiers de ses éléments.
Sur la base des sermons du Bienheureux (dont le premier fut le sermon de Bénarès), le bouddhisme élabora avec le temps un vaste ensemble de règles et une métaphysique très complète, mais sa doctrine fondamentale est simple et assez facile à comprendre. Le Bouddha enseignait que tout attachement à la vie débouche sur la souffrance ; que la cause de celle-ci est l’envie insatiable de plaisir et de renaissance ; que la souffrance peut être supprimée du fait qu’on en connaît la cause et qu’on peut l’éviter ; et que le moyen de mettre un terme à la souffrance consiste à suivre l’Octuple Sentier. Ce sont là les Quatre Saintes Vérités.
L’Octuple Sentier comprend les idées justes, les buts justes, le discours juste, l’action juste, la vie juste, l’effort juste, l’attention juste et l’extase juste. Ces huit chemins ne semblent conduire qu’à une morale simple, mais pris ensemble ils sont davantage que cela ; ce sont les étapes nécessaires pour arriver à l’illumination complète, car le dernier chemin, celui de l’extase juste, est celui de la parfaite connaissance qui signifie la fin de l’envie de plaisir et de renaissance, et par là même la libération de la souffrance. A ces préceptes s’ajoute l’idée, que le Bouddha
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