Histoire du Japon
intervenu, sachant qu’il pouvait d’un moment à l’autre chasser tous les missionnaires du pays ; mais la question des relations avec l’Espagne se posa brusquement à lui du fait d’un curieux incident, le naufrage sur la côte de Tosa d’un galion, le San Felipe, qui, de Manille, se rendait à Acapulco.
Il y eut toute espèce de problèmes touchant ce qu’il fallait faire du navire et de sa cargaison, extrêmement précieuse. L’histoire est longue et compliquée, mais il suffit de dire qu’elle s’acheva par la mise en pièces du navire et par la confiscation de sa cargaison pour le plus grand profit du seigneur de Tosa et de Hideyoshi lui-même. Le capitaine espagnol (ou le pilote) se rendit à Osaka pour demander réparation à Hideyoshi, et il fut assez maladroit, dit-on, pour user d’un langage menaçant, disant que le long bras du roi d’Espagne aurait tôt fait d’atteindre le Japon, où les chrétiens se soulèveraient en sa faveur. Rien toutefois n’étaye cette histoire, qui paraît avoir pris naissance lors de la querelle qui suivit entre jésuites et franciscains, chacun cherchant à salir l’autre dans l’espoir d’expliquer l’impitoyable châtiment dont Hideyoshi frappa soudain les missions chrétiennes.
En janvier 1597, Hideyoshi publia un ordre touchant l’exécution de Baptista et de six autres franciscains, ainsi que de dix-neuf disciples japonais. Leur condamnation à la torture et à la mort était formulée en termes clairs. Ils étaient alors à Kyoto, où ils furent mutilés sur son ordre puis traînés de ville en ville dans une pitoyable cavalcade en guise d’avertissement au peuple. Ils atteignirent Nagasaki en février, et y furent crucifiés la tête en bas comme de vulgaires criminels.
Il est difficile de comprendre pourquoi Hideyoshi alla à de tels extrêmes, d’autant qu’il s’était montré beaucoup moins violent en 1587, quand il avait expulsé les jésuites mais sans chercher à les punir. L’histoire de l’imprudent capitaine espagnol peut être écartée comme une fable, ne serait-ce que parce que Hideyoshi était déjà parfaitement conscient du rapport entre le pouvoir sacré et laïc en Espagne et au Portugal. Toute l’affaire du San Felipe l’avait sans doute frappé, lui donnant une conscience aiguë du problème. Le navire fut saisi par ses conseillers qui, appartenant à une classe marchande en expansion, voyaient les grands profits qu’on pouvait tirer du commerce outre-mer. Ils étaient en étroites relations avec des gens comme Hasegawa, qui étaient partisans de la guerre et défendaient une politique expansive et agressive. Hideyoshi peut en outre avoir été conseillé par Seiyaku-in Zensô, ancien moine du Hieizan devenu médecin qui paraît avoir obtenu sa confiance en encourageant la haine des jésuites (qui l’appellent Jacuin).
Mais il n’est pas moins vraisemblable que Hideyoshi fut surpris par un brusque regain d’enthousiasme pour la foi chrétienne, enthousiasme qu’on ne pouvait percevoir après 1587, alors que les jésuites avaient disparu de la capitale, ne laissant derrière eux que le vieil Organtino, pour qui Hideyoshi avait de l’affection. Ce renouveau fut surprenant. Hormis les nombreux convertis faits par les franciscains et leur vigoureuse propagande, les efforts des jésuites furent stimulés par la visite de Martinez, qui vint comme évêque du Japon avec des lettres du vice-roi des Indes. Martinez fut aimablement reçu par Hideyoshi, et passa quelque temps à administrer les sacrements aux convertis, venus de loin à Osaka et Fushimi. Son action ne fut pas entravée, et aucun jésuite portugais ne faisait d’ailleurs partie du groupe exécuté le 5 février 1597. Outre les Franciscains, celui-ci comptait trois frères jésuites japonais et seize serviteurs japonais des franciscains.
Des mesures qu’il prit par la suite, il ressort clairement que Hideyoshi avait décidé d’éliminer le christianisme du Japon. Il révisa l’édit de 1587 de manière à le rendre plus efficace, et quoiqu’il permît à Organtino. de rester à Kyoto, il publia des ordres interdisant de nouvelles conversions et proscrivant la foi chrétienne en général. Mais il ne prit aucune autre mesure punitive après l’exécution de 1597 ; en fait, il semble avoir relâché ses efforts. Ce changement d’humeur demande certaines explications, qu’on peut éventuellement trouver dans les événements précédents.
Un fait
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