Histoire du Japon
jusqu’à Luzon, où ils commencèrent à négocier avec les indigènes dès 1567, soit deux ou trois ans avant que les Espagnols n’y fondent leur colonie. De petits établissements japonais jalonnaient la côte, et, en 1583, un combat naval mit aux prises des navires espagnols et japonais à l’embouchure du Kagayan. A l’époque, le commerce de Manille intéressait certains marchands de Saukai, dont Konishi Ryùsa, père de Yukinaga, et le moins respectable Harada Kiemon assisté de Harada Magoshichirö.
C’est le commerce de Manille qui mit peu à peu fin au monopole du commerce portugais avec le Japon. Les capitaines de marine et les fonctionnaires espagnols étaient mécontents de leur part du commerce asiatique, car celui-ci se limitait en fait à des traversées régulières entre Manille et Acapulco et à quelques affaires avec Macao. Il y avait déjà d’occasionnels contacts entre les capitaines de marine espagnols, les autorités japonaises et le gouvernement des Philippines. En 1584, un galion espagnol cinglant de Manille vers Macao fut contraint par le temps de chercher abri dans le port de Hirado. A l’époque, le port de Hirado voyait dépérir son commerce au profit de Nagasaki, où les jésuites étaient bien installés et où des navires portugais entraient régulièrement.
Matsuura Shigenobu, le daimyô de Hirado, voyait d’un mauvais œil le monopole des Portugais. Il fit donc bon accueil au navire espagnol, offrit des facilités de commerce entre Manille et son propre fief, et se déclara prêt à accueillir des missionnaires qui ne seraient pas jésuites. Mais à l’époque les résidents espagnols de Luzon étaient mal disposés envers les Japonais, responsables d’un soulèvement parmi les tribus indigènes des environs de Manille. On soupçonnait naturellement les commerçants japonais qui voyageaient entre le Japon et les îles, et notamment Harada Kiemon et Magoshichirö. De concert avec un certain Hasegawa, soldat intriguant qui avait l’oreille de Hideyoshi, ceux-ci firent le projet d’attaquer Manille avec une armée de plusieurs milliers d’hommes. Mais Hideyoshi refusa la mise en service d’un effectif aussi considérable alors qu’il préparait l’invasion de la Corée, et rien ne so tit de leur projet.
En 1591, Hideyoshi envoya par l’entremise de Harada au gouverneur espagnol de Manille, Gomez Perez de Marinas, une lettre orgueilleuse dans laquelle il déclarait que, une fois conquises la Corée et la Chine, il tournerait son attention vers les îles Philippines. Il conseillait au gouverneur de se soumettre et de lui payer un tribut. En réponse à cette lettre, Marinas envoya une petite mission placée sous la conduite d’un franciscain, le père Juan Cobos, apporter une réponse temporisatrice. Cobos se rendit donc à Hirado, où Hideyoshi s’occupait de la campagne de Corée, mais son message ne donna pas satisfaction. Sur la suggestion de Harada, une mission plus importante quitta Manille pour le Japon en mai 1593. Elle était dirigée par le père Pedro Baptista et comprenait trois autres franciscains. En jouant le rôle d’envoyés officiels, ils avaient sournoisement tourné l’interdiction d’entrée des missionnaires chrétiens. La lettre qu’ils apportaient de la part du gouverneur n’engageait à rien. Elle se bornait à dire que la missive de Hideyoshi devait être transmise au roi d’Espagne et qu’il se réjouissait de commercer avec le Japon.
Les quatre franciscains s’offrirent alors à rester en otages et demandèrent la permission de résider et de prêcher dans les provinces du Centre. L’autorisation leur fut accordée, et ils commencèrent à prêcher et bâtir, aucunement ébranlés par le bref du pape de 1585. Ils eurent bientôt une église à Kyoto et un couvent à Osaka, et furent rejoints par d’autres franciscains. Ils essayèrent, quoique sans succès, de s’installer à Nagasaki. Il y eut évidemment de nombreuses et âpres disputes entre les deux ordres. La colère des jésuites s’expliquait facilement, car ils étaient frappés d’interdiction par Hideyoshi et tolérés seulement à Nagasaki, alors que les franciscains ne cessaient d’enfreindre ses lois. La téméraire ardeur des franciscains l’emportait sur le tact patient des jésuites.
Hideyoshi ne prit aucune mesure contre les franciscains jusqu’en 1596, c’est-à-dire jusqu’après le premier retrait de Corée. Même alors, il ne serait pas
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