Histoire du Japon
important est la faveur accordée par Hidetsugu à Baptista et aux autres franciscains après leur arrivée de 1594. C’est lui qui ordonna à Maeda Geni de veiller à la construction d’un séminaire et d’une église, qui fut achevée en septembre et où le fils de Maeda fut baptisé. L’année suivante, Hideyoshi faisait exécuter Hidetsugu et sa famille. En 1596, l’arrivée du San Felipe attira peut-être particulièrement l’attention de Hideyoshi sur la présence des franciscains et sur la ruse à laquelle ils avaient eu recours pour entrer au Japon. Il est facile d’imaginer une scène où Hasegawa et ses amis l’avertissent de la nature réelle de la mission de Baptista. C’était l’année où Hideyoshi montrait déjà des symptômes de désordre mental par de fréquents accès de rage. N’est-il pas probable que la façon vindicative dont il traita les franciscains trouvait également là son origine ?
Le châtiment des vingt-six martyrs ne mit pas un terme aux intrigues anti-chrétiennes de Seivaku In et de ses amis. Ayant démasqué les franciscains, ils se mirent à espionner et à comploter contre les jésuites, qui continuaient tranquillement leur travail. Le vice-gouverneur de Nagasaki interdit tout service et réunion chrétiens dans la ville, et obligea l’évêque Martinez à quitter le pays. A ce moment-là, un ordre arriva de Kyoto, chargeant Terazawa, le gouverneur, d’expulser tous les jésuites du Japon, à l’exception de la poignée d’entre eux nécessaires aux besoins des résidents portugais.
Obéir à cet ordre équivalait à abandonner tout espoir de répandre le christianisme au Japon, et les jésuites eurent recours à divers expédients pour y échapper. Ils se cachèrent, et, en octobre 1597, un certain nombre de leurs compatriotes laïcs déguisés en prêtres se firent voir sur le pont d’un navire prêt à lever l’ancre. Ce subterfuge permit à de nombreux jésuites d’éviter la déportation, peut-être même à cent d’entre eux sur un total de cent vingt-cinq. Ils avaient beaucoup d’amis japonais prêts à prendre le risque de les aider, en particulier à Kyoto, où des fonctionnaires influents comme Maeda Geni et Ishida Mitsunari les protégeaient.
A Nagasaki, ils pouvaient compter sur la protection d’un ou deux fonctionnaires, le plus important étant Terazawa, qui (imagine-t-on) s’était fait secrètement baptiser. Mais au début de 1598, lorsque le bruit se répandit que Hideyoshi allait revenir au Kyüshü, le représentant de Terazawa dut faire montre de sévérité. Il détruisit plusieurs églises dans la région avoisinante et avertit les pères qu’ils devaient partir sans retard. En août 1598, le nouvel évêque qui avait succédé à Martinez découvrit que Terazawa cachait un certain nombre de jésuites en attendant qu’ils aient la possibilité de s’embarquer pour Macao, mais qu’à part eux, beaucoup se cachaient dans les fiefs de daimyô chrétiens sans avoir aucune intention de s’en aller.
Début septembre, le père Juan Rodriguez (qui avait été interprète pour Hideyoshi), récemment débarqué d’un navire portugais, se rendit à Fushimi avec les cadeaux d’usage. Averti de sa visite, Hideyoshi l’envoya chercher comme un vieil ami et le reçut avec de généreux présents et des paroles aimables. Quelques jours plus tard, le Taikô mourait.
Ainsi prend fin l’histoire des relations de Hideyoshi avec les missionnaires portugais et espagnols, et, par leur entremise, avec les gouvernements coloniaux établis à Goa et Manille. Lorsqu’on étudie la façon dont il traita les missionnaires chrétiens, on s’aperçoit qu’il fit preuve d’indulgence dans des circonstances qui auraient justifié des mesures très sévères même de la part d’un gouvernant moins despotique. Le châtiment furieux qu’il infligea aux franciscains était inexcusable, mais il faut se rappeler que leurs trois chefs avaient délibérément bafoué sa loi en recourant à une ruse. En d’autres occasions, il avait fermé les yeux sur la désobéissance des chrétiens, comme lorsque, après son accès de colère de 1587, tout en terrorisant le pauvre Cœlho, il avait renoncé à poursuivre les missionnaires qui continuaient discrètement leur travail.
Il est facile de surestimer l’influence de la doctrine chrétienne dans la classe supérieure japonaise, mais il est certain que Hideyoshi accorda sa confiance à bien des convertis et
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