Histoire du Japon
cours sur la science militaire. Il ne tarda pas à soutenir des opinions hostiles au gouvernement, prenant parti pour le shinnô-ron, doctrine de loyauté au Trône, qui allait diviser le pays au XIX e siècle. Il soutenait que, si la cour faisait un effort sérieux, elle aurait l’appui du pays entier, et ses conférences attiraient de nombreux nobles de la cour. L’empereur Momozono entendit parler de ce mouvement, auquel la cour prenait grand intérêt, mais les chefs des grandes maisons nobles étaient contre tout affrontement avec le bakufu. Ils informèrent le shoshi-dai de Kyoto des opinions de Shikibu, qui fut promptement arrêté et chassé de la ville en 1759.
Peu après, on annonça qu’un maître de la science militaire, Yamagata Daini, complotait contre le bakufu. C’était le fils d’un ouvrier du Kôfu, entré au service d’ôoka Tadamitsu. A la mort de ce dernier, il partit pour Edo, où il commença d’enseigner la science militaire en 1760. Il était hostile à l’absolutisme du bakufu, qui devait s’appuyer sur la force. Il approuvait les vertus militaires, mais il était en faveur de la « Voie royale » ( Odô ), c’est-à-dire du gouvernement impérial. Il attira l’attention d’un important partisan du daimyô de Kobata, Yoshida Gemba, qui parla avec lui du besoin de réformes dans l’administration du fief. La chose souleva l’opposition de certains collègues de Gemba, qui l’accusèrent de comploter une révolte avec Daini. Les commissaires municipaux eurent vent de l’affaire, et apprirent en outre qu’un disciple de Daini, Fujii Umon, avait ouvertement condamné, en usant d’un langage violent, les méthodes arbitraires du bakufu. Aucune preuve de complot ne fut trouvée contre eux, mais Daini fut condamné à mort, et Umon jeté en prison. Le revenu de la famille Oda fut réduit, et Gemba et ses associés furent punis. Takenouchi Shikibu fut également interrogé, mais on ne trouva rien contre lui. On l’exila à Hachijô parce qu’il avait refusé d’obéir à l’ordre de quitter Kyoto.
Si nous avons évoqué ces événements de façon quelque peu détaillée, c’est qu’ils montrent que les dirigeants du bakufu étaient déterminés à annihiler le mouvement loyaliste. Leur nervosité est attestée par la manière confuse dont ils s’occupaient des problèmes auxquels ils étaient confrontés. Ils faisaient tantôt preuve d’une extrême sévérité, et tantôt d’une faiblesse alarmante à une époque où la fermeté était essentielle. Leur manque de compréhension est clairement démontré par l’agitation grave que suscita une corvée extrêmement sévère imposée aux paysans de la région bordant la grand-route reliant Edo à Nikkô, où l’on avait construit le mausolée de Ieyasu.
Soulèvements ruraux
En temps normal, il y avait un flot régulier de fonctionnaires et de pèlerins entre Edo et Nikkô, séparées par quelque cent cinquante kilomètres. Les porteurs et chevaux nécessaires étaient fournis aux fonctionnaires par les villages situés le long de la route, ainsi que le voulait la corvée ( sukegô). Mais pour le pèlerinage exceptionnel qui devait avoir lieu au tombeau de Ieyasu, le bakufu projeta une grandiose procession, à laquelle devaient participer les membres de la famille Tokugawa, les nobles de cour, les grands vassaux et leurs partisans. Pour leur transport et leur logement, les paysans de la région qu’ils traverseraient reçurent l’ordre de fournir des habitations, des porteurs et des chevaux, ou, à défaut, de payer une très lourde contribution.
Cette obligation fut étendue à des paysans vivant loin de la route directe, et elle devint si lourde que, vers la fin de l’année 1764, il se produisit d’importants soulèvements ruraux dans les provinces de Kôzsuke et de Musashi. Le nombre des paysans qui y participèrent est estimé à 200000, soit autant que lors de la révolte de Shimabara (1637-1638). L’origine et l’ampleur de ce mouvement montrent que les dirigeants du bakufu étaient ignorants du sentiment qui régnait dans les campagnes, et incapables de faire face à la situation que leur ignorance avait engendrée. Un effort pour apaiser les émeutiers connut un succès temporaire, mais à la fin de l’année, des dizaines de milliers d’entre eux déferlaient à travers la campagne pour attaquer les entrepôts de Kumagai, détruisant leur contenu. Il fallut près d’un mois au bakufu pour mettre
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