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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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que finalement ces martyrs, avec
une quantité d’autres jacobins, officiers municipaux, etc., tous
hors la loi, avaient été traînés à la guillotine, place de la
Révolution, au milieu des cris, des tas de boue et des affronts de
toute sorte, tellement humiliés et maltraités qu’ils ne pouvaient
plus se tenir debout, et que le pauvre Couthon, aux trois quarts
mort, roulait sous les pieds des autres, dans la charrette,
demandant pour seule grâce d’être achevé ; qu’en face de
l’échafaud on avait gardé Maximilien Robespierre le dernier, pour
voir guillotiner ses amis ; que le bourreau, un royaliste, lui
avait arraché son bandeau et l’avait exposé tout vivant, la figure
mâchurée, aux yeux du peuple furieux, et puis qu’il l’avait tué
comme les autres.
    C’est ce que nous dit Élof Collin en
frémissant ; et je me rappelai Danton, Camille Desmoulins,
Westermann ; je vis que les mouchards avaient fait pour
ceux-ci comme pour les premiers. J’écoutais cette histoire avec
dégoût. Collin, tout pâle, ayant fini par se taire, je lui
dis :
    – Écoute, citoyen Élof, ce que tu viens
de nous raconter ne m’étonne pas ; ce qui m’étonne, c’est que
la chose ait duré si longtemps. Dans un temps, lorsque nous avions
toute l’Europe et la Vendée sur les bras, il a fallu suspendre
l’application de la constitution de 93 ; il a fallu établir le
Comité de salut public, le Comité de surveillance générale et le
tribunal révolutionnaire ; il a fallu la terreur contre les
aristocrates, contre les égoïstes, contre les conspirateurs et les
traîtres qui livraient nos places et montraient le chemin du pays à
l’étranger ; mais voilà plusieurs mois que la guillotine
marche contre les meilleurs patriotes ! N’est-ce pas une
véritable abomination que des hommes comme Danton, comme
Desmoulins, Hérault-Séchelles, Lacroix, Bazire, Philippeaux,
Westermann, etc., qu’on avait vus à la tête de toutes les grandes
journées de la révolution, aient été guillotinés sans jugement, par
des êtres qui tremblaient dans leur peau et se cachaient les jours
de bataille ; par des êtres qui se tenaient en embuscade dans
leur bureau de police, comme les araignées au milieu de leur
toile ? N’est-ce pas une honte pour la France et la
république ? Est-ce que cela pouvait nous faire du bien de
guillotiner Danton ? Est-ce que les despotes n’ont pas dû rire
ce jour-là ? Est-ce que nos plus grands ennemis auraient pu
nous faire un pareil tort ? Est-ce que tous les citoyens de
cœur et de bon sens n’ont pas frémi d’indignation ?
    Collin me regardait, le poing sur la table et
les lèvres serrées.
    – Tu ne crois donc pas à la vertu de
Robespierre, toi ? fit-il.
    – À la vertu de Robespierre et de
Saint-Just ! lui dis-je en levant les épaules. Est-ce qu’on
peut croire à la vertu des scélérats qui ont assassiné Danton parce
qu’il était plus grand, plus fort, plus généreux qu’eux tous
ensemble ; parce qu’il voulait mettre la liberté et la
miséricorde à la place de la guillotine, et que, lui vivant, les
dictateurs n’étaient pas possibles ?… Où donc était leur vertu
extraordinaire ? Qu’est-ce qu’ils ont donc fait qui les élève
tant au-dessus des autres ? Quels dangers ont-ils donc courus
de plus que sept ou huit cent mille citoyens partis en sabots à la
frontière ? Est-ce qu’ils ont manqué de pain, de feu et de
chaussures en hiver, comme nous autres en Vendée ? Non, ils
ont fait de longs discours, prononcé des sentences, donné des
ordres, proscrit ceux qui gênaient leur ambition, et finalement
essayé de se faire nommer dictateurs. Eh bien ! moi je ne veux
pas de dictateurs, et j’aime mieux la liberté que la
guillotine ; c’est trop commode de tuer ceux qui ne pensent
pas comme vous, le dernier brigand peut faire la même chose. C’est
pour la liberté que je me suis battu ; pour avoir le droit de
dire et d’écrire ce que je pense ; pour avoir des biens à moi,
des champs, des prés, des maisons, sans dîmes, sans champart, sans
privilèges, quand je les aurai gagnés honnêtement par mon
travail ; c’est pour manger mon bien ou pour l’entasser, si
cela me convient, sans que des êtres purs, des êtres
incorruptibles, tirés à quatre épingles comme des femmes, puissent
mettre le nez dedans et me dire : « Tes habits sont trop
beaux, tes dîners sont trop bons, tu ne ressembles pas aux Romains,
il faut te

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