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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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après thermidor
et tous les autres royalistes, ils ont eu la majorité. Le coup,
prévenu par Danton le 31 mai 93, devenait facile ; nous
n’avions plus rien à dire !… Ces messieurs ont établi leurs
élections à deux degrés, leurs deux conseils et leur
directoire ; comme ils avaient besoin d’un appui, les
malheureux ont entraîné la vraie bourgeoisie dans leur iniquité, en
lui faisant peur du peuple et en lui donnant part aux
bénéfices. »
    Chauvel parlait si clairement, que personne
n’avait rien à répondre.
    – Eh bien, dit-il, en déclarant que pour
être député il faudrait avoir la propriété ou l’usufruit d’un bien
payant une contribution de la valeur de deux cents journées de
travail, qu’ont-ils fait, ces honnêtes gens ? ils ont séparé
les bourgeois du peuple, ils les ont rendus ennemis. Ils se
figurent que le peuple, après la révolution comme avant, va donner
son sang et le fruit de son travail pour des bourgeois de leur
espèce, qui gouverneront au moyen d’un roi constitutionnel, un gros
homme chargé de bien boire et de bien manger, pendant qu’ils
exploiteront le pays. La place de ce roi constitutionnel est
marquée dans leur constitution ; c’est le Directoire qui la
remplit provisoirement ; plusieurs même avaient proposé
d’appeler le roi tout de suite ; malheureusement Louis XVIII
espère mieux, il n’accepte pas de constitution ; il est de
droit divin comme Louis XVI et Louis XVII ; il veut rester
maître absolu, et s’entourer de noblesse au lieu de bourgeoisie.
Cela les embarrasse !… Mais le peuple dépouillé de ses droits
ne les embarrasse pas ; ils sont bien sûrs qu’il va se
soumettre : – Imbéciles !
    Chauvel, penché sur notre petite table, se mit
à rire ; et, comme nous l’écoutions en silence :
    – Tout cela savez-vous ce que
c’est ? dit-il, c’est la révolution qui ne finit jamais, la
révolution en permanence ; il faut être aveugle pour ne pas le
voir. Qu’il arrive un Danton, dans trois, quatre, dix ou vingt ans,
il a son armée préparée d’avance : c’est le peuple dépouillé
qui réclame la justice ! Danton parle, la révolution
recommence ; on chasse le roi, les princes et les
intrigants ; l’honnête bourgeoisie est ruinée, son commerce
est ébranlé, son industrie à bas ; elle paye pendant que les
coureurs de places se sauvent avec la caisse jusqu’à la fin de
l’orage. Ils reviennent avec le prince et refourrent dans leur
constitution de nouveaux bourgeois, parce que les anciens n’ont
plus le sou ; eux, ils se portent toujours bien avec Sa
Majesté. Les affaires reprennent, mais la question n’est toujours
pas résolue ; après Danton, c’est un général heureux qui
marche sur Paris en criant : « Je viens défendre les
droits du peuple. »
    » Le peuple serait bien bête de s’opposer
à ce général ; c’est encore la révolution qui
recommence ! Et cette révolution recommencera, jusqu’à ce que
les bourgeois se séparent des aristocrates et des intrigants qui
prennent leur nom, et se réunissent franchement au peuple, pour
réclamer avec lui la liberté, l’égalité, la justice, et reconnaître
la république comme le seul gouvernement possible avec le suffrage
universel. Alors la révolution sera finie. – Qu’est-ce qui pourra
troubler l’ordre, quand le peuple et la bourgeoisie ne feront
qu’un ? – Chaque citoyen aura le rang qu’il mérite par son
travail, son intelligence et sa vertu ; on pourra vivre sans
craindre de tout perdre du jour au lendemain. Je vous en préviens,
les jeunes gens comme Michel verront les révolutions se suivre à la
file, tant que la séparation du peuple et de la bourgeoisie ne sera
pas effacée, tant qu’un ouvrier pourra dire en parlant d’un
bourgeois : « C’est un privilégié. » La constitution
de l’an III causera les plus grands malheurs. Bien loin de tout
finir, comme pense maître Jean, c’est elle qui met la guerre civile
en train pour des années.
    Tous les amis présents écoutaient Chauvel avec
plaisir, et mon camarade Sôme se levait de temps en temps pour
aller lui serrer la main en disant :
    – C’est ça ! Je pense comme vous,
citoyen ; la révolution ne peut finir que si les bourgeois
instruits se mettent à la tête et soutiennent la république. La
bourgeoisie est l’état-major du peuple. Malheureusement nous
n’avons plus de bourgeois comme Danton, Robespierre, Marat,
Saint-Just, Camille

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