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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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Naefels, etc. Les hussards
allemands venaient nous défier jusque sur la Linth et la Limmat, et
nous crier : « Arrivez donc, sans culottes !
Arrivez, tas de vermines… Vous n’avez donc plus de cœur… vous êtes
donc des lâches ? » Ça vous rendait tout pâles ;
mais la consigne défendait de leur répondre, même à coups de
fusil.
    » Enfin, voici bien une autre histoire.
Des courriers arrivent d’Urseren et d’Altorf :
« Souvaroff est en marche pour nous tourner, le vainqueur de
Cassano, de la Trébie, de Novi, passe le Saint-Gothard. Gudin, avec
sa poignée d’hommes, ne peut résister à ce mangeur d’athées ;
Lecourbe court défendre le pont du Diable. » Ce jour-là,
Michel, je crus bien que la république branlait au manche et que
nous étions trahis. Mais l’Italien avait fait semblant de
dormir ; il veillait comme les chats, l’oreille ouverte et les
yeux fermés ; il rêvait à l’archiduc, en route pour
Philipsbourg avec sa cavalerie et son infanterie, – ne laissant aux
Russes que ses canons, – et le 4 vendémiaire, à quatre heures du
matin, notre chef d’escadron Sébastien Foy arrive ventre à terre,
nous apporter l’ordre de descendre sur la Limmat, une rivière à peu
près large comme le petit Rhin, mais plus rapide ; elle passe
à Zurich et s’appelle la Linth, avant d’avoir traversé le lac. Nous
descendons au galop, artilleurs et pontonniers, avec nos bateaux,
nos pièces, nos munitions, nos cordes, nos pieux, nos clous. On se
met en batterie en face des Russes, qui tiennent l’autre rive et
ouvrent sur nous un feu roulant épouvantable. Il fallait jeter un
pont de bateaux, Le fond était de roche, les pieux et les ancres
glissaient, rien ne tenait, et, malgré notre mitraille, le feu de
l’ennemi redoublait. Les pontonniers se décourageaient ; le
chef de brigade d’artillerie Dedon, un des nôtres, un Lorrain,
descendit leur remonter le cœur et diriger l’ouvrage. Au bout d’une
heure, au petit jour, le pont, haché trois fois par les boulets,
commençait à tenir et nos colonnes défilaient dessus en courant. À
neuf heures, nous avions dix mille hommes de l’autre côté. Alors la
bataille s’étendait sur une ligne de cinq à six lieues, car,
pendant que nous passions la Limmat, au-dessous de Zurich, Soult
passait la Linth au-dessus, entre les deux lacs. Deux cents
nageurs, le sabre aux dents, formaient l’avant-garde ; ils
égorgèrent les postes ennemis. Hotze accourut et fut tué.
    » Dans ce moment, mon vieux Michel,
quoique nous ayons entendu de belles canonnades en Vendée, je puis
te dire que, même au Mans, ce n’était rien auprès de
celle-ci ; les montagnes en tremblaient ; on n’entendait
plus les commandements à deux pas, et par les trouées de fumée, on
voyait bouillonner le lac comme une cuve sous les balles et la
mitraille. Vers le soir, nous n’étions encore maîtres que du
Zurichberg, sur la rive droite de la Limmat ; les Russes,
refoulés dans la ville, s’y retranchaient. Ces gens-là, le front
large et plat, le nez camard, les yeux petits et les lèvres
épaisses, sont d’une autre race que nous. Ils tiennent jusqu’à la
fin ; il faut les démolir, car ils ne reculent pas. C’est ce
que nous faisions avec conscience, nous les battions en brèche, et
le lendemain, à Zurich, ce fut un carnage comme celui du Mans.
    » Cette masse stupide pensait s’échapper
par une porte, pendant que nous forcions l’autre ;
l’infanterie était en tête. Korsakoff avait laissé sa cavalerie en
ville. Deux divisions les attendaient au défilé, les pièces
chargées ; l’infanterie russe traversa boulets et mitraille,
en poussant des cris sauvages qu’on entendait sur les deux
lacs ; la cavalerie, l’artillerie, la caisse et les bagages
restèrent entre nos mains. Un corps de Condé fut écharpé ; nos
seigneurs demandaient quartier, on leur répondait à coups de
baïonnette. Entre eux et nous pas de trêve, pas de
miséricorde ; vaincre ou mourir ! nous ne connaissons que
ça. Quelques-uns s’échappèrent. La ville est à moitié démolie, elle
avait tiré sur nos parlementaires. Ce tas de Russes, que je vois
étendus autour du bivac, ne ressemblent pas à des hommes, ce sont
de grosses masses ; et, puisque les hussards autrichiens nous
reprochaient la vermine, que devaient-ils penser de leurs
amis ?
    » Voilà, Michel, l’espèce de gens qu’on
nous détache pour nous rendre notre bon roi et pour

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