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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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ne s’était chargé de rien, il n’avait pris
aucune responsabilité ; Bonaparte seul, sans même le prévenir
de son départ, avait trouvé commode, au moment le plus difficile,
de lui mettre toute l’affaire sur le dos, sachant bien que Kléber
avait trop de cœur pour refuser le secours de son courage à tant de
pauvres diables abandonnés. Et il l’aurait fait fusiller !…
c’est lui qui le dit. Qu’on juge d’après cela de l’égoïsme, de
l’injustice et de la férocité d’un pareil homme. Se croyait-il donc
plus de droits que Kléber ? Non, mais il savait que personne
en France n’était capable de la même barbarie et de la même
malhonnêteté que lui-même, et voilà, depuis le commencement jusqu’à
la fin, tout le secret de sa force.
    Chauvel pensait qu’on allait au moins lui
demander des comptes… Hélas ! le lendemain de cette magnifique
campagne de Zurich, où Masséna venait de sauver la France, le jour
même de son rapport, – simple et véridique, et non plein
d’exagérations comme tant d’autres ! – ce jour même les
gazettes ne parlaient que de Bonaparte. Ah ! les frères
Joseph, Louis et Lucien n’avaient pas laissé se refroidir
l’enthousiasme pendant son absence ; les gazettes et les
petites affiches avaient été leur train ; partout on
lisait : « Le général Bonaparte est arrivé le 17 à
Fréjus, accompagné des généraux Berthier, Lannes, Marmont, Murat,
Andréossy et des citoyens Monge et Berthollet ; il a été reçu
par une foule immense de peuple, aux cris de « Vive la
république ! » Il a laissé l’armée d’Égypte dans la
position la plus satisfaisante.
    » On ne peut rendre la joie qu’on a
éprouvée, en entendant annoncer hier ces nouvelles aux spectacles.
Des cris de « Vive la république ! Vive
Bonaparte ! » des applaudissements tumultueux et
plusieurs fois répétés se sont fait entendre de tous les
côtés ; tout le monde était dans l’ivresse. La victoire, qui
accompagne toujours Bonaparte, l’avait devancé cette fois, il avait
peut-être gagné la bataille de Zurich et chassé les Anglais et les
Russes de la Hollande ! la victoire, qui accompagne toujours
Bonaparte, l’avait devancé cette fois, et il arrive pour porter les
derniers coups à la coalition expirante. Ah ! monsieur Pitt,
quelle terrible nouvelle à joindre à celle de la défaite totale des
Anglo-Russes en Hollande ! Mieux eût encore valu la perte de
trois autres batailles, que l’arrivée de
Bonaparte ! »
    Et puis une ligne :
    « Le général Moreau est arrivé à
Paris. » Il ne revenait pas d’Égypte, celui-là, il n’avait pas
abandonné son armée ; il s’était dévoué en Italie pour réparer
les fautes des autres. Que voulez-vous ? ce n’était pas un
comédien, les Français aiment les comédiens !
    Et le lendemain :
    « C’est chez lui, rue de la Victoire, à
la Chaussée-d’Antin, que Bonaparte est descendu hier. Il sera reçu
aujourd’hui au Directoire exécutif. »
    Et le lendemain :
    « Bonaparte est allé hier, à une heure et
demie, au Directoire exécutif. Les cours et les salles étaient
remplies de personnes, qui s’empressaient pour voir celui dont le
canon de la Tour de Londres annonça la mort il y a plus d’un an. Il
a serré la main à plusieurs soldats, qui avaient fait sous lui les
campagnes d’Italie. Il était en redingote, sans uniforme. Il
portait un cimeterre attaché avec un cordon de soie. Il a adopté
les cheveux courts. Le climat sous lequel il a vécu pendant plus
d’une année, a donné plus de ton à sa figure, qui était
naturellement pâle. En sortant du Directoire, il est allé visiter
plusieurs ministres, entre autres celui de la justice. »
    Et puis :
    « 
Lucien Bonaparte est élu président
du conseil des Cinq-Cents ;
les secrétaires sont :
Dillon, Fabry, Barra (des Ardennes) et Desprez (de
l’Orne). »
    Et puis :
    « Le général Bonaparte a dîné avant-hier
chez Gohier, président du Directoire. On a remarqué qu’il
questionnait plus qu’il ne parlait lui-même. On lui a demandé ce
qui avait le plus frappé les Égyptiens, de toutes les inventions
que nous leur avions apportées ; il a répondu que c’était de
nous voir boire et manger à la fois. »
    Ainsi de suite du 22 vendémiaire au 18
brumaire. Et durant ce temps il n’était plus question ni de
Masséna, ni de Souvaroff, ni d’Anglo-Russes ; tous les
journaux étaient pleins, du haut en bas,

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