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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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qu’après l’assassinat de
nos plénipotentiaires, des milliers de jeunes gens partirent en
criant vengeance, comme en 92 et 93.
    Et puis pendant ces rudes combats eurent aussi
lieu les élections de l’an VII, où le directeur Rewbell fut
remplacé par l’abbé Sieyès, qui depuis six ans s’était caché dans
le marais, et ensuite parmi les intrigants et les trembleurs des
conseils. Sieyès lui-même s’en vantait ; il disait :
« Pendant que les autres se guillotinaient, j’ai
vécu ! » C’était bien la peine d’avoir prononcé dans le
temps deux ou trois belles sentences que toute la nation avait
admirées, pour se rendre ensuite méprisable. Cela montre bien que
l’esprit et le cœur ne vont pas toujours ensemble.
    On racontait que Sieyès avait une magnifique
constitution dans sa poche ; et comme la constitution de l’an
III avait déjà fait son temps, on nomma Sieyès directeur, dans
l’espérance qu’il trouverait quelque chose de nouveau ; les
Français aiment le nouveau, et puis ils aiment aussi les oracles,
et Sieyès passait pour un oracle. J’en ai vu cinq ou six comme cela
dans ma vie ; ils ont fini drôlement tous ces oracles.
    Les élections de l’an VII, qui ne regardaient
plus le peuple, puisqu’il n’avait pas voix au chapitre, envoyèrent
quelques soi-disant patriotes dans les conseils. Alors, pour la
première fois, on entendit parler de Lucien Bonaparte ; nous
avions déjà Joseph et Napoléon Bonaparte, il nous fallait encore un
Lucien. Quelle bonne affaire que la conquête de la Corse pour les
Bonaparte ! Chez eux, ils auraient été fermiers, employés,
petits bourgeois, bien contents de joindre les deux bouts et
d’avoir quelques chèvres dans les roches ; en France,
c’étaient des présidents de conseil, des ambassadeurs, des généraux
en chef. Il paraît que les Français se trouvent trop bêtes pour se
gouverner eux-mêmes, puisqu’ils vont chercher leurs maîtres
ailleurs.
    Les nouveaux conseils, qui voulaient le
renversement du Directoire, lui demandèrent des comptes. Ils
forcèrent Treilhart de donner sa démission, et nommèrent le
bonhomme Gohier à sa place. Ils auraient aussi voulu forcer
Lareveillère et Merlin de se démettre, pour les remplacer par leurs
hommes ; ces deux directeurs crièrent : « On veut
donc livrer la France à la famille Bonaparte ? » Et ce
cri retarda leur chute de quelques jours ; mais l’acharnement
contre eux devint tel qu’ils ne purent résister longtemps ;
ils se retirèrent le 18 juin 1799. Le girondin Roger Ducos et le
général Moulin, dont le peuple n’avait jamais entendu dire ni bien
ni mal, furent nommés directeurs ; et de l’ancien Directoire
il ne resta plus que Barras, le protecteur de Bonaparte et la honte
de notre république.
    Tous les ministres furent changés ; nous
eûmes Robert Lindet aux finances, Fouché à la police, Treilhart aux
affaires étrangères, Cambacérès à la justice, Bernadotte à la
guerre. Ces changements du 30 prairial ne produisirent aucun
mouvement, cela se passait entre bourgeois ; le Directoire
avait bouleversé les conseils au 18 fructidor, les conseils
bousculaient maintenant le Directoire. Le peuple regardait, en
attendant le moment de se remettre en ligne ; il ne lui
fallait qu’un chef, mais comme les Danton, les Robespierre, les
Marat dormaient en paix, les soldats allaient avoir beau jeu. Si
Bonaparte savait ces choses, il devait se repentir d’être parti
pour l’Égypte, et le ministre Bernadotte devait rire ; ce
gascon avait toutes les cartes en main, tous les jacobins pensaient
à lui.
    Chauvel, malgré sa fureur de vaccine, se
remettait à lire les journaux ; son indignation retombait
alors sur Sieyès, qu’il regardait comme un être hypocrite, capable
de s’entendre avec n’importe qui, pour gruger la république et
faire accepter cette fameuse constitution, dont tout le monde
parlait sans la connaître, parce que monsieur l’abbé Sieyès n’en
causait qu’avec ses amis, sachant d’avance que pas un républicain
n’en voudrait.
    Mais pendant que les intrigants se
partageaient ainsi les places, sans se soucier plus du peuple que
s’il n’avait pas existé, les affaires de la nation devenaient
extrêmement graves. Si les messieurs qui ne s’inquiétaient que de
leurs propres intérêts avaient été chargés de sauver la France,
elle aurait couru grand risque d’être partagée par nos ennemis.
Heureusement le peuple était là,

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