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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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royale, et qu’ici les armes qui ont servi
la liberté sont entre des mains républicaines.
    »  Une foule de voix : Oui !… oui !…
    »  Bigonnet : Mais le
serment serait illusoire, si nous n’envoyions pas un message au
conseil des Anciens, pour nous instruire des motifs de la
convocation extraordinaire qui nous réunit ici. »
    La séance continuait au milieu de l’agitation,
on envoyait un message au Directoire, puis arrivait la lettre de
Barras, qui donnait sa démission de directeur. Ce misérable
disait :
    « Citoyens représentants,
    » Engagé dans les affaires publiques
uniquement par ma passion pour la liberté, je n’ai consenti à
accepter la première magistrature de l’État, que pour la soutenir
dans le péril, etc. La gloire qui accompagne le retour du général
illustre auquel j’ai eu le bonheur d’ouvrir le chemin de la gloire,
les marques éclatantes de confiance que lui donne le Corps
législatif, et le décret de la représentation nationale, m’ont
convaincu que, quel que soit le poste où m’appelle désormais
l’intérêt public, les périls de la liberté sont surmontés et les
intérêts des armées garantis, etc. »
    Ce filou avait l’air de se moquer des
malheureux représentants, entourés de sabres et de canons, loin de
tout secours.
    Il paraît que ces longues délibérations
fatiguaient Bonaparte ; il avait sans doute des espions dans
la salle, qui lui rapportaient ce qu’on y disait, car, au moment où
le représentant Grandmaison faisait entendre que la démission de
Barras ne lui paraissait pas naturelle, qu’elle pouvait avoir été
forcée, tout à coup un grand mouvement avait eu lieu, tous les
regards s’étaient tournés vers la grande porte, où le général
Bonaparte entrait, quatre grenadiers de la représentation derrière
lui, et des officiers d’état-major plus loin, attentifs. Alors
l’assemblée tout entière, indignée de voir ce soldat violer
l’enceinte nationale, s’était levée en criant :
    – Qu’est-ce que cela ?… Qu’est-ce
que cela ? Des sabres ici… des hommes armés !…
    Beaucoup de membres s’étaient précipités de
leur banc ; ils tenaient Bonaparte au collet et le poussaient
dehors. Une foule de membres criaient, debout sur leurs
sièges :
    – Hors la loi !… hors la
loi !…
    Ce cri terrible, qui avait fait trembler
Robespierre, fit pâlir aussi cet homme. On l’a dit, il tomba même
en faiblesse entre les bras de ses officiers. Mais le grand
Lefèvre, que j’ai vu plus tard, un vrai troupier, natif de
Rouffach, en Alsace, et qui ne connaissait que la consigne, s’était
précipité dans la salle, à la tête de ses grenadiers, en
criant : « Sauvons le général ! » Et il l’avait
emporté.
    Qu’on se figure le tumulte après cela. Le
président Lucien Bonaparte, qui réclame le silence et crie
épouvanté, parce qu’il sentait l’infamie de son frère :
    – Le mouvement qui vient d’avoir lieu au
sein du conseil, prouve ce que tout le monde a dans le cœur et ce
que moi-même j’ai dans le mien. Il était cependant naturel de
croire que la démarche du général n’avait pour objet que de rendre
compte de la situation des affaires ou de quelque objet intéressant
la chose publique. Mais je crois qu’en tout cas nul de vous ne peut
soupçonner…
    »  Un membre : Aujourd’hui Bonaparte a terni sa gloire.
    »  Un autre : Bonaparte
s’est conduit en roi.
    »  Un autre : Je demande
que le général Bonaparte soit traduit à la barre, pour y rendre
compte de sa conduite.
    »  Lucien Bonaparte : Je
demande à quitter le fauteuil.
    » Chazal occupe le fauteuil.
    »  Digneffe : Quand le
conseil des Anciens a usé du droit constitutionnel du Corps
législatif, il a eu sans doute de puissants motifs. Je demande
qu’on déclare quels sont les chefs et les agents de la conspiration
qui nous menace. Avant tout je demande que vous preniez des mesures
pour votre sûreté ; que vous déterminiez sur quels endroits
s’étendra la police de votre enceinte.
    »  Une foule de voix : Appuyé.
    »  Bertrand (du
Calvados) : Lorsque le conseil des Anciens a ordonné la
translation du Corps législatif en cette commune, il en avait le
droit constitutionnel ; quand il a nommé un général,
commandant en chef, il a usé d’un droit qu’il n’avait pas. Je
demande que vous commenciez par décréter que le général Bonaparte
n’a pas le commandement des grenadiers qui composent

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