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Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte

Titel: Histoire d'un paysan - 1794 à 1795 - Le Citoyen Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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confiance
que j’ai toujours vues en vous. La liberté, la victoire et la paix
replaceront la République au rang qu’elle occupait en Europe, et
que l’ineptie ou la trahison ont pu seule lui faire perdre.
    » 
Vive la République !
    »  Bonaparte.  »
    L’étonnement des gens, en lisant ces
proclamations, ne peut pas se figurer. Nous étions tranquilles, la
république venait de remporter deux grandes victoires à Zurich et à
Kastrikum, en Hollande ; nos ennemis étaient abattus, et voilà
que tout à coup, sans aucune raison, Bonaparte déclarait que la
république avait perdu son rang en Europe, et qu’il allait la
rétablir dans son éclat. C’était tellement faux, que les plus
bornés voyaient le mensonge. Et puis ce transport des deux conseils
au village de Saint-Cloud, pour les mettre sous la main des
soldats, sans aucune défense, paraissait une véritable
trahison ; c’est là ce qui faisait pousser des cris
d’indignation aux patriotes ; ils croyaient tous que le peuple
de Paris allait se soulever ; ils entraient l’un après l’autre
à la bibliothèque, en criant :
    – Eh bien ! ça chauffe maintenant à
Paris !
    Et Chauvel, qui se promenait de long en large,
la tête penchée, leur répondait avec un sourire amer :
    – Paris est bien tranquille. Paris
regarde défiler les états-majors de Bonaparte. Pourquoi le peuple
de Paris se soulèverait-il, quand nous sommes ici bien paisibles à
rêvasser, et qu’on crie dehors : « Vive
Bonaparte ! » Pour qui et pour quoi se ferait-il casser
les os ? Pour conserver cette constitution de l’an III, qui le
destitue de ses droits politiques ? Pour maintenir une poignée
d’intrigants dans les places qu’ils se sont adjugées
eux-mêmes ? Non ! je vais vous expliquer clairement la
chose :
l’affaire présente est entre les bourgeois et les
soldats.
Je la voyais venir depuis longtemps ; elle avait
commencé au 13 vendémiaire, elle avait continué au 18 fructidor.
L’armée, dans le fond, sera toujours pour le peuple, elle sort du
peuple, ceux qui soutiennent les intérêts du peuple ont toujours
l’armée ; voilà pourquoi la Convention, malgré les nécessités
terribles du temps, a toujours pu compter sur les soldats, même
contre leurs généraux. Aucun général n’aurait pu entraîner les
soldats contre la république, car la république alors c’était
eux-mêmes, leurs familles, leurs parents, leurs amis, la nation
tout entière. Mais les anciens girondins et leurs amis de la plaine
s’étant entendus pour faire le 9 thermidor, la séparation des
intérêts du peuple et de la bourgeoisie a commencé ; la
constitution de l’an III l’a confirmée ; depuis, de jour en
jour elle s’est étendue. La république n’est plus une, indivisible,
elle est partagée : la bourgeoisie a ses intérêts, le peuple a
les siens ; entre les deux se trouve l’armée ; c’est elle
qui va faire la loi. Il lui fallait une occasion, notre directeur
Sieyès vient de la trouver ; depuis six mois il invente une
conspiration des jacobins contre la république. Cet homme, le plus
vaniteux que je connaisse, déteste le peuple, parce que le peuple
veut des idées claires et qu’il ne comprend pas les idées creuses
de l’abbé Sieyès ; il a laissé l’abbé Sieyès dans son marais,
sans s’inquiéter de lui, sans demander comme les bourgeois de la
Constituante : « Que faut-il faire, monsieur
l’abbé ? Que pensez-vous de notre conduite, monsieur
l’abbé ? Si vous ne parlez pas, monsieur l’abbé, nous allons
être bien embarrassés ! » Le peuple et ses représentants
l’ont tranquillement laissé rêver. Ils ont fait de grandes choses
sans lui, malgré lui, car à sa mine on voyait que cet homme
trouvait tout mauvais, mais il avait la prudence de se taire.
    » Plus tard il a retrouvé ses amis au
conseil des Anciens ; ils avaient eu peur ensemble, ils
avaient tremblé dans leur peau plus d’une fois, cela les rendait en
quelque sorte frères. La constitution de l’an III ne leur
paraissait pas encore assez monarchique, et les directeurs
Lareveillère, Rewbell, Barras, etc., assez bourgeois ; ils ont
fait leur coup de prairial, Sieyès est devenu directeur ; les
journaux patriotes ont été saisis, leurs propriétaires, directeurs
et rédacteurs déportés à Oléron, les clubs ont été fermés, les
jacobins poursuivis ! Depuis six mois on ne parle que de
terreur, de conspiration contre la république,

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