Hitler m'a dit
évident à contempler ces ordures.
Après le déjeuner, on passait généralement dans le petit bureau de Hitler pour y prendre le café et les liqueurs. On fumait aussi, mais très peu. Quelquefois, le café était servi sur une grande terrasse plantée d’arbustes, d’où l’on apercevait la cime des arbres du jardin de l’ancienne Chancellerie. L’entourage d’Hitler, et en particulier sa sœur, Frau Raubal, – dont la sollicitude donnait à son intérieur une note d’intimité – tremblait pour sa sécurité. Dès cette époque, on redoutait des attentats. Le jardin de la Chancellerie était tenu pour terrain dangereux. On avait recommandé au Führer d’éviter de s’y promener. Il n’avait donc que la terrasse pour prendre un peu d’exercice.
IX
INVASION DE L’AMÉRIQUE LATINE
Au début de l’été de 1933, j’ai été témoin, sur cette terrasse, d’une conversation, bien caractéristique des idées politiques d’Hitler sur l’Amérique. Cette conversation est la preuve évidente qu’à cette époque, le Führer voyait déjà très loin et qu’on se trompait fort en s’imaginant que les visées politiques du national-socialisme le limitaient à l’Est et au Sud-Est de l’Europe. Ce jour-là, Hitler avait invité un des plus anciens et plus importants membres des S.A. qui revenait d’une tournée en Amérique du Sud. Pendant tout le déjeuner Hitler s’était vivement intéressé aux récits de ce voyageur et lui avait posé de nombreuses questions.
Le sujet avait été repris par Hitler au café. Visiblement, il n’avait du Nouveau Monde qu’une connaissance assez sommaire ; il répétait des jugements qu’il avait ramassés au hasard de ses lectures. Le Brésil l’avait particulièrement intéressé. « Nous édifierons une nouvelle Allemagne au Brésil. Nous y trouverons tout ce dont nous aurons besoin. » Il développa, là-dessus, les grandes lignes de l’action que pourrait exercer un gouvernement patient et énergique, et des résultats qui pourraient être obtenus. Au Brésil, pensait-il, se trouvaient réunies toutes les conditions d’une révolution qui permettrait en quelques années de transformer un État gouverné par des métis corrompus en un Dominion germanique. « Du reste, nous avons des droits sur ce continent, où les Fugger, les Welser et autres pionniers allemands ont autrefois possédé des domaines ou des comptoirs. Notre devoir est de reconstituer ce vieux patrimoine, qu’une Allemagne dégénérée a laissé disperser. Mais le temps est passé où nous devions céder le pas à l’Espagne et au Portugal, et jouer partout le rôle de tard venus. »
Son invité, von Pf…, lui confirma les chances que l’Allemagne paraissait avoir justement au Brésil. « Les Brésiliens ont besoin de nous, s’ils veulent faire quelque chose de leur pays. Ce qui leur manque, ce n’est pas tant le capital à faire fructifier que l’esprit d’entreprise et le talent d’organisation. » D’ailleurs, précisait von Pf., le Brésil commençait à avoir assez des États-Unis, qui ne songeaient qu’à exploiter le pays plutôt qu’à le développer.
— « Nous vous donnerons les deux, répliqua Hitler : capitaux et esprit d’entreprise. Nous vous donnerons même une troisième chose : nos idées politiques. S’il y a un continent où la démocratie est une insanité et un moyen de suicide, c’est bien l’Amérique du Sud. Il s’agit de convaincre ces gens qu’ils peuvent sans scrupule jeter leur libéralisme et leur démocratisme par-dessus bord. Ils ont encore honte d’étaler leurs bons instincts. Ils se croient encore obligés de jouer la farce démocratique. Eh bien nous attendrons encore quelques années, s’il le faut, et nous les aiderons à s’en débarrasser. Naturellement, il faudra leur envoyer du monde de chez nous. Notre jeunesse doit apprendre à coloniser. C’est une besogne qui ne se fait pas avec des bureaucrates corrects et des gouverneurs compassés. Ce qu’il nous faut là-bas, ce sont des jeunes qui n’ont pas froid aux yeux. Il n’est pas question de les envoyer dans la brousse, ou défricher les forêts vierges. Non, il nous faut des gens qui aient accès dans la bonne société. Pouvons-nous utiliser nos colonies allemandes qui sont déjà là-bas ? » L’invité répondit qu’il n’en était pas très sûr. À son avis, il valait mieux ne pas perdre de temps avec la bonne société et chercher tout de
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