Hitler m'a dit
ultérieure en 1934. Le Mexique a toujours tenu une place importante dans les projets américains d’Hitler. Il n’était pas question pour lui de reprendre les fameuses machinations de von Papen, qui cherchait vers 1917 à pousser le Mexique à la guerre contre les États-Unis, Hitler trouvait cette méthode absolument stupide. Là encore, il rêvait d’entreprises à long terme, à échéance si lointaine, qu’il n’espérait même pas les voir aboutir de son vivant. Pour la réalisation de ses plans américains, il prévoyait des délais sensiblement plus larges que pour l’Europe. Ainsi s’explique l’impatience qu’il manifestait vis-à-vis des problèmes européens. Ses grands projets de domination mondiale ne pouvaient aboutir que s’il réussissait dans sa politique européenne, ce premier succès étant la condition de tous les autres.
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que les idées d’Hitler sur le Mexique ont été profondément influencées par un personnage qui était un curieux mélange de l’homme d’affaires et du visionnaire : Sir Harry Deterding, président de la Royal Dutch. J’ai connu moi-même ce potentat de la finance. Je l’ai rencontré à une chasse, chez l’un de nos amis communs, en Prusse Orientale. À ce moment déjà, il donnait l’impression de tirer des fils invisibles. Au demeurant, c’était un homme sympathique, du moins hors de ses affaires. Il manifestait le même intérêt qu’Hitler pour le pétrole russe du Caucase, et c’est pourquoi sans doute il rêvait d’une décentralisation ou d’un démembrement de la Russie. Ses plans comportaient une Géorgie indépendante, une Ukraine séparée de Moscou, indépendante, et une République libre de la Volga. Tout cela devait naturellement exciter vivement l’intérêt d’Hitler ; le Führer s’intéressait beaucoup moins au bimétallisme, autre dada que Deterding chevauchait infatigablement. Mais c’est cette idée de la monnaie d’argent qui concentrait l’attention du financier hollandais sur le Mexique.
Deterding a persuadé, directement et indirectement, Hitler que le Mexique était le pays le plus riche du monde, avec la population la plus paresseuse et la plus dépenaillée et que pour faire quelque chose de ce pays, il fallait y introduire le peuple le plus travailleur et le plus industrieux : les Allemands. De telles idées devaient fatalement trouver chez Hitler un terrain favorable. Je m’en rendis compte à l’occasion d’une de mes dernières visites, lorsque j’allai lui faire un rapport sur la situation à Dantzig, peu de temps après la « purée » du 30 juin 1934.
Hitler parla devant moi du Mexique exactement comme l’aurait fait Deterding. Nous étions alors à la veille de difficultés économiques très graves pour le Reich, et surtout pour Dantzig, dont la monnaie était menacée d’effondrement immédiat. Hitler passait alors par des alternatives de dépression profonde et de fureur sans bornes ; de tous les côtés, il avait à faire face à des forces hostiles. La Direction de la Reichsbank, routinière comme à l’habitude, donnait dans le pessimisme et considérait l’œuvre de réarmement comme entièrement compromise. Le Ministère des Affaires étrangères Peinait tant qu’il pouvait les impulsions d’Hitler, s’obstinant à travailler suivant les méthodes traditionnelles et se gardant bien de modifier soit ses vues bornées, soit le rythme de son travail. Hitler se sentait cerne de tous les côtés. Après la tragédie sanglante où il avait joue le premier rôle, il n’était même plus très sûr de son propre parti. Il était obligé de se tenir sur ses gardes et de veiller constamment à ne pas se laisser déborder, surtout au moment où la mort du vieux maréchal de Hindenburg, attendue d’un jour à l’autre, pouvait ouvrir une crise nouvelle.
Dans le cercle de ses intimes, Hitler se libérait de toute réserve. Je l’entendais souvent crier ou taper du pied. À la moindre contradiction, il entrait dans de violentes colères. C’est très certainement vers cette époque que le Führer a pris l’habitude des accès de fureur soigneusement prémédités, destinés à déconcerter son entourage et à le contraindre de capituler. On commençait à concevoir des craintes dans l’instabilité de son caractère. On vivait encore sous l’impression du 30 juin et des attentats contre les patriotes et les nationaux.
Hitler se plaignait
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