Hitler m'a dit
relations avec le fils de Skoropadski. L’ancien hetman vivait dans un faubourg de Berlin où il avait institué une sorte de petite cour. Il était persuadé que son jour viendrait. Cette conjuration germano-ukrainienne entretenait d’ailleurs des relations utiles avec certains milieux de l’aristocratie britannique. Le national-socialisme ne voyait que des avantages à utiliser ces divers concours pour ses fins particulières ; mais il n’a jamais considéré Skoropadski comme un facteur politique sérieux.
C’est vers cette époque que Hanfstängel m’exposa les idées de son maître, dans la mesure où il les comprenait lui-même. Il considérait qu’il était très facile de provoquer des insurrections ouvertes dans la partie ukrainienne de la Pologne, c’est-à-dire dans la Galicie orientale, et de porter ainsi un coup fatal à la force militaire polonaise. Connaissant moi-même la Pologne, cette affirmation me paraissait pour le moins hasardée. Mais Hanfstängel et Baldur von Schirach semblaient sûrs de leur affaire et faisaient peu de cas de mes objections.
Suivant leur interprétation de la thèse hitlérienne, il existait des moyens d’obtenir la décomposition intérieure de n’importe quel État, de façon à le vaincre ensuite sans effort. Toujours et partout, on trouve des particularistes qui aspirent à l’indépendance nationale, ou au pouvoir économique, ou à la domination politique. L’appétit non satisfait et l’orgueil humilié ont toujours été les auxiliaires infaillibles de Faction révolutionnaire, permettant de poignarder l’ennemi dans le dos. Il ne fallait pas non plus oublier les hommes d’affaires, pour qui seul le mot de profit s’écrit en lettres capitales. Il n’existait guère de patriotisme capable de résister à toutes les tentations. Le seul point important était de dorer la pilule et de la présenter habilement. Il était à la portée du plus médiocre propagandiste de trouver les phrases patriotiques servant d’habillage pour ce genre d’entreprise, et non moins facile de recruter les hommes qui seraient heureux de s’en servir pour calmer les scrupules de leur conscience, en admettant qu’ils en aient. Cette démolition d’un pays quelconque par l’intérieur n’était qu’une question d’argent et d’organisation.
J’émis des doutes. Les gouvernements menacés ne tarderaient pas à démasquer les fauteurs de troubles. De telles entreprises devaient, en outre, coûter des sommes fabuleuses, que la Grande-Bretagne pouvait peut-être se permettre d’inscrire au budget de son Intelligence Service, mais qui dépassaient les ressources de l’administration allemande. Je me permis encore de faire observer à Hanfstängel que l’Allemagne, dans ce domaine, n’avait jamais fait preuve d’un tact éclatant et que, pendant la guerre mondiale, notre service de renseignements n’avait pas fonctionné d’une façon très brillante.
Le photographe personnel d’Hitler, Hofmann, le beau-père de Baldur von Schirach, eut un rire de mépris et me répondit avec commisération que l’ère de la négligence avait pris fin avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir, que les sommes nécessaires se trouveraient toujours et que sans doute, en allant de l’est à l’ouest, l’entreprise deviendrait de plus en plus coûteuse, mais qu’elle devait obligatoirement réussir dans’ tous les cas. De ceci, Hofmann se portait garant. On trouverait même dans chaque pays, à son avis, des gens riches qui paieraient pour leur propre destruction.
Je répondis que personne n’arriverait à me convaincre qu’une telle entreprise était possible, par exemple, dans un pays comme l’Angleterre. Hanfstängel s’écria que je n’avais pas la moindre idée du champ d’action qu’on pouvait trouver dans la haute société de Londres. Je n’appréciais certainement pas à sa juste valeur l’orgueil de Lady X, de la comtesse Y ou de Mrs. Z qui aspiraient chacune à être reçue la première par le Führer. À partir de l’instant où elle aurait été reçue, la privilégiée passerait dans son clan pour une compétence et son opinion sur le mouvement national-socialiste ferait loi. Hanfstängel me reprocha encore de sous-estimer le manque d’imagination et la pauvreté psychologique des Anglais à qui, affirmait-il, il serait difficile de faire croire à l’existence effective d’un complot contre leur pays. D’ailleurs, l’orgueil britannique
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