Hitler m'a dit
empêcherait d’y croire. Jamais ils n’admettraient qu’on pût même tenter d’entreprendre contre leur peuple, le peuple supérieur, ce qu’il avait seul le droit de tenter contre les autres.
« Les démocraties n’ont pas de convictions », déclama Hanfstängel. « Je veux parler des convictions réelles, de celles qu’on défend avec sa vie. C’est une vérité fondamentale, découverte par Hitler, et qui lui sert de tremplin pour les plans grandioses qu’il poursuit courageusement et dont le succès, jusqu’à présent, lui a toujours donné raison. Là peur et l’intérêt personnel, ne manqueraient jamais, en quelque pays que ce fût, de conduire à la capitulation. Dans chaque pays, on trouverait tous les concours nécessaires pour déclencher le mouvement, et cela dans tous les milieux sociaux ou intellectuels. Une fois déclenché, le mouvement se développe tout seul, quel que soit le terrain à conquérir. Le manque de conviction s’achève toujours en défaitisme, toute résistance apparaissant comme inutile. D’autre part, on peut obtenir beaucoup, en exploitant, là où elle existe, l’ardeur des fanatiques. Enfin les sports, les passions religieuses, les marottes et excentricités de toutes sortes peuvent également servir à la décomposition méthodique du pays visé. On peut manier tout cela pour fabriquer l’opinion publique. Car c’est cette opinion publique, dont les démocraties dépendent entièrement, qui devient, en fin de compte, notre plus puissante auxiliaire. Nous serons toujours plus habiles à diriger l’opinion que les gouvernants du pays. Quant aux dépenses à prévoir, ce ne sera certes pas de l’argent gaspillé. Mieux vaut dépenser des millions et économiser des corps d’armée. Les démocraties seront toujours impuissantes contre de telles attaques, de par leur structure même, puisque pour s’en protéger, il leur faudrait instituer à leur tour un régime autoritaire. Les États totalitaires, au contraire, sont par définition impénétrables à la propagande étrangère, telle que nous la concevons. Il résulte ainsi, de la structure même des deux régimes, une telle inégalité entre les démocraties et nous que ce déséquilibre suffirait à compenser largement, en cas de conflit, une éventuelle infériorité de nos armements. »
Je ne me donnai cependant pas pour battu, et, persuadé que l’instinct naturel de résistance et que le caractère des nations démocratiques se trouvaient considérablement sous-estimé par ces théories, je répliquai q ue , tout en admettant que des peuples jeunes et peu enracinés comme ceux de l’Est, puissent peut-être succomber à la propagande révolutionnaire, je doutais fort que le même système réussît avec de grandes nations de culture ancienne. Schirach coula vers moi un regard soupçonneux, ce qui ne m’empêcha point de faire encore observer que la valeur de l’arme nouvelle semblait a priori assez limitée si elle ne pouvait être dirigée que contre les démocraties, car à mon sens, nous devions tout au moins envisager la possibilité d’entrer en conflit avec des pays n’ayant pas de régime démocratique et contre lesquels l’arme en question serait impuissante.
« Nos ennemis sont les démocraties, à l’exclusion de tous autres pays, répondit Hanfstängel, en riant. Et savez-vous pourquoi elles sont nos ennemies Parce qu’elles sont les plus faibles. Il faut toujours choisir des ennemis plus faibles que soi-même, c’est là tout le secret du succès. »
La conversation prit fin sur cette saillie, qui me parut assez vulgaire. Ce n’est que plus tard que je me rendis compte que ce propos d’Hanfstängel n’était pas une plaisanterie, mais l’expression littérale de la tactique si simple et si efficace d’Hitler.
XIII
« OUI, NOUS SOMMES
DES BARBARES ! »
Quelques jours après l’incendie du Reichstag, Hitler m’avait fait demander un rapport sur la situation à Dantzig : des élections devaient avoir lieu dans l’« État libre », en même temps que dans tout le Reich. Le Gauleiter Forster m’accompagnait dans ma visite. Avant d’être introduits auprès du Chancelier, nous eûmes le temps d’échanger quelques paroles avec un certain nombre de bonzes du parti, qui faisaient antichambre, il y avait là Goering, Himmler, Frick et quelques Gauler des provinces occidentales. Goering nous donna des détails sur l’incendie du Reichstag. À cette époque,
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