Hitler m'a dit
tirer ? » me dit-il rudement. « Je donnerai des ordres pour qu’on mette à votre disposition les devises dont vous pourrez avoir besoin pendant la période de la vérification des comptes. Vous les restituerez ensuite. Vous n’avez pas besoin d’une couverture de 40 %. Vous pouvez l’abaisser à 20 et même à 10 % ». Je voulus lui répondre que ce serait une véritable… « Escroquerie ? m’interrompit Hitler. Qu’est-ce qu’une escroquerie ? Que signifie la couverture ? La confiance, voilà ce qui compte. Les gens ont confiance en nous, même sans couverture. C’est nous qui sommes garants, et non l’argent ou les devises. C’est notre parole qui importe et non des paragraphes ! Devises, argent métallique, ce sont des jetons que nous poussons et retirons aujourd’hui ou demain. Comprenez-vous ? La garantie, c’est nous. Ne m’opposez pas d’objections enfantines. Êtes-vous un politicien réaliste ou un théoricien ? Vous vous arrêtez aux incorrections ? J’en prends la responsabilité. Ma parole a-t-elle à vos yeux moins de valeur que vos absurdes paragraphes ?
» Ne faites donc pas de difficultés. Il y a de l’argent. Il y en aura toujours. Tant que le peuple allemand travaillera, je ne crains rien. Parlez avec Funk, me conseilla-t-il encore, c’est un esprit lucide. Et ne vous laissez pas raconter des bobards. » Hitler prit un ton plus aimable. « Pourquoi vous empoisonner l’existence ? Vous vous noyez dans un verre d’eau. Si nous devions observer scrupuleusement les formalités, où irions-nous ? Je me place au-dessus de tout cela. Je suis prêt à me parjurer six fois par jour. Quelle importance cela Peut-il avoir ? » De nouveau la colère le gagnait. Je ne trouvai pas de réponse à lui faire, et d’ailleurs qu’au-fais-je pu dire ?
« Ne vous arrêtez pas aux détails, prenez exemple sur moi. » Mais Hitler sentait ma résistance intérieure, prit alors un ton de camaraderie. « Que pouvons-nous faire d’autre ? La tranquillité de votre conscience vous importe-t-elle davantage que le retour de l’Allemagne à la prospérité ? Nous n’avons pas le droit de penser à nous et à notre intégrité morale selon la conception bourgeoise. Nous n’avons qu’un seul devoir. Croyez-vous donc que j’ignore qu’au cas où tout ne se réaliserait pas selon nos espérances, on nous maudirait jusque dans la tombe ? Je me suis engagé dans une voie vertigineuse. Puis-je encore me soucier de paragraphes et de signatures ? Il y a des gens vaniteux qui font les importants et disent en bombant le torse : ma conscience me l’interdit. Et après ? Croyez-vous que vous ne pouvez pas prendre les mêmes responsabilités que moi ? Vous estimez-vous supérieur à moi ? »
Lammers entra dans la pièce. Hitler, comme toujours avait parlé plus longtemps qu’il n’avait été prévu. Je fus congédié. Dehors, dans l’antichambre spacieuse, attendaient des personnes de ma connaissance, entre autres le comte Schwerin-Krosigk, ministre des Finances. Il était au courant de mes soucis. L’audience que m’avait accordée Hitler ne les avait pas dissipés et ce fut un an plus tard l’une des raisons de ma retraite.
XIX
HITLER SE RETIRE DE LA S.D.N.
L’Allemagne s’était retirée de la S.D.N. J’étais à Genève lors de ce tournant mémorable. C’était, dans la politique allemande d’après-guerre, la première action brusquée de pur style hitlérien. En rentrant à Dantzig, je passai par Berlin et rendis visite au Führer. Il me paraissait nécessaire d’attirer son attention sur les dangers de la situation car, étant donné la tension générale, la faute la plus légère pouvait déclencher une guerre préventive contre l’Allemagne.
C’était du moins mon opinion. Je m’aperçus qu’Hitler ne la partageait pas. Il se trouvait ce jour-là d’excellente humeur, en pleine forme et faisant feu des quatre pieds. « Ils veulent la guerre, dit-il en avançant à ma rencontre. Ils l’auront. Mais c’est moi qui choisirai le moment. » Je répondis qu’en effet, j’avais entendu crier : est la guerre » dans les couloirs de Genève. Hitler un geste méprisant : « Allons donc ! Ils n’y pensent pas sérieusement. Goebbels m’a déjà fait son rapport. Ces gens rassemblés à Genève ne sont qu’un misérable troupeau. Ils n’agissent pas, ils se bornent à protester, toujours trop tard. »
Puis Hitler me demanda ce que
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