Hitler m'a dit
j’avais à lui dire et quelles étaient mes impressions. Je lui répondis que la situation de l’Allemagne me semblait très menacée, que, dans tous les cas, celle de Dantzig allait devenir extrêmement délicate, et qu’enfin, je ne voyais pas les motifs impérieux qui nous avaient obligés à quitter la S.D.N., alors que cet organisme nous procurait tant de facilités d’information et nous permettait si souvent d’exercer notre influence. À mon avis, avec un programme positif où l’on pourrait insérer certains principes de la S.D.N. elle-même, et par exemple les droits des minorités allemandes, la position tactique du Reich, déjà très forte, aurait permis d’escompter des succès prochains. Lest ainsi que le président nouvellement élu de la un Sud-Africain, avait prononcé des paroles pleines de compréhension à propos des nouvelles disciplines nationales que s’étaient données certains pays. Enfin, j’avais l’impression que les sympathies que la nouvelle Allemagne était en droit d’attendre de quelques milieux anglo-saxons n’avaient pas été précisément renforcées par notre brusque départ.
— « Qu’est-ce que c’est que ce John Simon ? » m’interrompit Hitler. « Est-il vrai qu’il est Juif ? » Je répondis que les origines du ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne m’étaient inconnues. « On m’a dit qu’il était Juif et qu’il poursuivait la destruction de l’Allemagne. » Je répliquai que cette opinion me paraissait peu vraisemblable. Autant que je fusse informe Sir John Simon désirait plutôt améliorer les rapports entre les deux pays. « Et Boncour ? » Goebbels lui avait parlé de l’homme d’État français. « Qu’est-ce que cet homme-là ? On dit qu’il a une chevelure bouclée et qu’il joue au jacobin. » Puis, sans me laisser le temps de lui répondre, il poursuivit : « Ces gens-là n’empêcheront pas l’Allemagne de se relever. Il était temps de mettre fin à ces marchandages une fois pour toutes. » Je pus enfin placer quelques mots. L’essentiel était à mon avis, de sortir de la zone dangereuse. Me rappelant mes expériences de l’été précédent, je me permis d’insister su la nécessité d’imposer à toutes les formations du parti plus rigoureuse discipline. Nous devions éviter tout incident qui pourrait aggraver nos risques. Il était facile de prévoir que notre départ de la S.D.N. allait accroître la crainte du réarmement allemand et, par suite, compromettre l’œuvre même du Führer en éveillant l’attention et la méfiance des gouvernements étrangers.
Hitler se leva. Il arpenta la pièce en silence puis, sans me regarder, il se mit à monologuer, comme s’il eût voulu se justifier : « Je me suis trouvé contraint d’agir ainsi. Il fallait un grand geste libérateur, clair pour tout le monde. Il devenait urgent d’arracher le peuple allemand à ce réseau d’obligations, de phrases et d’idées fausses. Il fallait recouvrer notre liberté d’action. Peu m’importe la politique à la petite semaine. Tant pis si momentanément, les difficultés se trouvent accrues’ Mes seront compensées par la confiance du peuple allemand, que je gagne grâce à mon geste. Personne ne nous aurait compris si nous avions repris à notre compte les tractations opportunistes menées depuis dix ans par es partis de Weimar. Nous ne pouvons pas encore imposer la révision des frontières. Mais le peuple croit que nous le pouvons. Il veut qu’on fasse quelque chose. Qu’on en termine avec la farce qui se joue depuis trop longtemps.
« Ce qui était devenu nécessaire, ce n’était pas d’agir raisonnablement, mais de faire un éclat et d’entraîner es masses en opposant un « non » retentissant aux machinations hypocrites de Genève et en manifestant la volonté résolue d’un renouveau total. Prudent ou non, ce geste est compris par le peuple qui n’apprécie que la volonté de puissance et non les marchandages d’où ne or jamais rien. Notre peuple en a assez d’être berné par les autres : je lui ai donné ce qu’il attendait. »
Je ne sus que répondre. Sans doute, la politique choisie par le Führer était chose nouvelle et téméraire ; mais elle avait incontestablement l’avantage d’impressionner public par son audace même et sa simplicité élémentaire. Dans un passé récent, c’est par une série de décisions semblables, immédiatement intelligibles
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