Hitler m'a dit
but. Il ne faut plus laisser d’autre issue à l’Allemagne. Il faut la pousser implacablement au triomphe, sinon elle retomberait à la vie précaire et au renoncement. »
Hitler ne se lassait pas de développer son idée fixe. L’Allemagne, n’ayant eu depuis Versailles que des gouvernements lâches et débiles était devenue comme une zone morte autour de laquelle d’autres pays s’agitaient de plus en plus. Si cet encerclement passif s’était prolongé, elle allait tomber au rang d’une nation d’esclaves et se laisser exclure de l’histoire. Elle n’aurait plus jamais été capable de secouer le joug. La rhétorique hitlérienne coulait à plein bords.
— « Comme à l’aube d’une ère géologique nouvelle, dans un fracas gigantesque, l’univers entier s’effondre et de nouvelles montagnes surgissent, tandis que des abîmes béants s’ouvrent, que des plaines et des mers nouvelles définissent leurs limites, de même la structure présente de l’Europe sera renversée dans un immense cataclysme. C’est l’instinct de conservation le plus élémentaire qui nous commande, au début de ces convulsions, de nous élever comme un plissement de granit primaire, assez haut pour que nous ne soyons ni comprimés ni ensevelis. La seule chance qu’ait l’Allemagne de pouvoir résister à cette pression, c’est de prendre elle-même l’initiative et la conduite du bouleversement inévitable d’où naîtra la nouvelle ère historique. ».
En s’incorporant ainsi au dynamisme et au déterminisme de la plus prochaine histoire, le peuple allemand se désignait comme le peuple élu de l’avenir, celui qui donnerait son nom à l’ère future. Ayant évoqué cette vision, Hitler s’apaisa. Sur un ton presque modeste, il s’effaça pour ainsi dire devant l’instinct grandiose du peuple allemand, sa volonté de puissance, sa poussée irrésistible dont le national-socialisme n’était peut-être que l’expression occasionnelle et fortuite. En tous cas, le triomphe total du nouveau régime, le fait que l’Allemagne ne pouvait plus être que le Troisième Reich ne pouvait s’expliquer et se justifier que par la divination prophétique et totale qui avait éclairé le parti sur l’imminence des bouleversements cosmiques où nous étions tous entraînés.
Au terme de cette vaticination, Hitler revint enfin aux problèmes du jour. Il voulut bien me concéder qu’il fallait enlever à l’étranger tous prétextes d’une action contre l’Allemagne. Il accepta ma suggestion d’étouffer les initiatives imprudentes de ses collaborateurs et d’imposer une discipline nationale qui rendît tout incident impossible. Il était d’ailleurs, affirma-t-il, disposé à conclure n’importe quel accord qui lui laisserait les mains libres pour le réarmement : « Je suis prêt à parapher et à signer tout ce qu’on voudra. Je ferai toutes les concessions pour rester libre de poursuivre ma politique. Je garantirai toutes les frontières, je conclurai tous les pactes de non-agression et les pactes d’amitié que l’on me demandera. Il serait enfantin de ma part de ne pas me servir de ces moyens, sous prétexte qu’un jour peut-être je devrai violer mes engagements les plus solennels. Il n’y a pas de pacte solennel qui, tôt ou tard, n’ait été rompu ou ne soit devenu caduc. Il n’existe pas de contrats éternels. L’homme scrupuleux qui se croit obligé de consulter sa conscience avant de donner sa signature n’est qu’un nigaud : qu’il se tienne à l’écart de la politique. Pourquoi ne pas faire aux adversaires le plaisir de signer des paperasses et s’assurer le bénéfice de ces accords, si les adversaires se déclarent satisfaits et s’imaginent qu’ils ont réglé quelque chose ? Pourquoi ne signerais-je pas aujourd’hui des contrats et de la meilleure foi du monde, quitte à passer outre, froidement, dès demain, si l’avenir du peuple allemand me paraît l’exiger ? Mais oui, répéta-t-il, je signerai n’importe quel papier. Cela ne m’empêchera pas d’agir, le moment venu, de la manière que je croirai conforme à l’intérêt de l’Allemagne. »
Hitler aborda enfin la question de la politique polonaise et me chargea d’amener le maréchal Pilsudski à une entrevue avec lui. À cette époque, l’amélioration des relations avec la Pologne lui tenait à cœur. Il exprima son désir de conclure un traité avec la Pologne, à n’importe quelles conditions.
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