Hitler m'a dit
temps, en pareil cas on devait payer beaucoup plus cher. C’est exactement ce qui se passa pour notre problème financier et monétaire de Dantzig. Le parti m’empêcha de prendre en temps utile les mesures qui s’imposaient. Mais six mois après ma retraite, il ne restait plus rien à sauver : le gulden dantzikois dut être dévalué de trente pour cent.
Ce conflit sur la monnaie fut un de ceux qui gâchèrent le plus mes relations avec le parti. Deux mois après m’être « justifié » devant Hitler et après avoir été gratifié, à défaut de tout appui, d’un discours enflammé sur la bienveillance du parti, il me fallut exposer la situation financière de la Ville libre, devant un conseil restreint des ministres. Il était présidé par Hess. Neurath, Schwerin-Krosigk, le ministre de l’Économie Schmidt et quelques autres membres du cabinet y assistaient. Je fus surpris de voir avec quelle difficulté ces importants personnages se rendaient compte de la position spéciale de Dantzig, qui en soi, n’était sans doute pas brillante mais qui n’était devenue désespérée qu’à la suite de la gabegie national-socialiste que j’avais été impuissant a enrayer. Il fallait déjà payer, pour un territoire restreint, la note des expériences financières qui devaient être faites plus tard en Allemagne. On avait lancé une pierre dans un petit étang. Les ondes concentriques, renvoyées par la rive prochaine, reviennent, se croisent, se chevauchent. La même chose se passera dans un étang beaucoup plus vaste, avec la différence que le pavé qu’on y jette mettra plus de temps à produire ses effets. Nous, à Dantzig, nous avions à payer la rançon de certaines opérations de gonflements de crédit, à une époque où les Allemands du Reich ne les connaissaient pas encore. C’était une nouveauté pour les dirigeants de Berlin. Le conseil s’en tint, bien entendu, à des discussions, à perte de vue, à des demi-propositions, à des demi-mesures. Le parti en conclut qu’il pouvait continuer ses gaspillages : Hitler n’avait-il pas dit que la question d’argent n’avait aucune importance ?
Dans l’embarras désespéré où je me voyais, j’avais été trouver le futur secrétaire d’État, Keppler, qui était l’un des conseillers économiques privés d’Hitler. Il avait son bureau à la Chancellerie. Keppler était ingénieur. Comme tous les ingénieurs, du moins en Allemagne, il était, en dehors de ses connaissances techniques, naïf et ignorant comme un enfant, mais plein de suffisance. Il me consola en me parlant des inventions sensationnelles qui, disait-il, allaient révolutionner l’armement de notre pays. J’avais mis au point un plan qui devait permettre l’accroissement des exportations de la Ville libre. Tout cela, me dit Keppler, était du temps perdu. Dans un an, au plus tard, Dantzig aurait fait retour au Reich. L’Allemagne disposait d’inventions et de machines si puissantes qu’aucune coalition au monde ne pouvait l’empêcher de reprendre Dantzig. Il n’avait malheureusement pas le droit de pousser plus loin l’indiscrétion. Mais si j’en avais su autant que lui, j’aurais été complètement rassuré. Donc je pouvais attendre.
J’obtins, toutefois, par l’intermédiaire de Keppler, une audience d’Hitler. Cette fois encore, l’orage s’abattit sur ma modeste personne. Je répétai ce que j’avais déjà dit au Conseil des Ministres : si Dantzig ne parvenait pas à rendre active sa balance des paiements, il faudrait dévaluer le gulden dans six mois au plus tard.
Hitler s’emporta et tempêta. Il s’opposait formellement à toute dévaluation : « J’ai engagé ma parole. Je ne ferai pas d’inflation. Le peuple ne comprendrait pas. À vous de trouver le moyen de vous en tirer sans toucher à la monnaie. » Il poussa de tels cris que je ne percevais plus ses paroles. Il lui fallut un bon moment pour retrouver un peu de calme. Ce fut une scène des plus pénibles.
Au surplus, le ministre des Finances, Schwerin-Krosigk, ne m’avait pas caché son sentiment, certain jour que nous attendions ensemble dans l’antichambre d’Hitler. Il m’avait dit que l’Allemagne ne pourrait échapper à la dévaluation. Hitler en était instruit. Mais il n’acceptait que des palliatifs, des mesures en trompe-l’œil qui équivaudraient à la dévaluation sans qu’on prononçât ce mot fâcheux. Il éviterait à tout prix de proclamer le fait brutal
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