Hitler m'a dit
d’une dévaluation officielle. On reconnaissait là le démagogue qui calcule à chaque instant ce que peut supporter l’homme de la rue, dans quelle mesure on peut escompter sa crédulité et à quel moment il commence à se cabrer. L’inflation et les cartes d’alimentation étaient, à ses yeux, les deux erreurs capitales qu’il ne faudrait jamais commettre, les deux tabous que devait respecter un chef vraiment instruit de la psychologie des foules :
— « Faites ce que vous voulez, répétait-il, mais je ne consentirai jamais à déprécier le mark ni à distribuer des cartes de vivres. Il y a toujours moyen de tourner ces difficultés. Torturez-vous un peu le cerveau Débrouillez-vous ! » Il répétait que le gouvernement des Hohenzollern avait perdu la guerre par son ignorance de la sensibilité particulière des petits épargnants et des ménagères. Il ne permettrait jamais que la même erreur fut commise une seconde fois, surtout au seuil d’une nouvelle guerre. Il aimerait mieux, s’il le fallait supprimer radicalement la monnaie et, au lieu de distribuer des cartes d’alimentation, prescrire les repas en commun pour toute la nation. De telles mesures pouvaient encore, à la dernière extrémité, être justifiées aux yeux des masses. Elles pouvaient être présentées comme des innovations grandioses, comme un nouveau socialisme de guerre, une étape historique du progrès social. Le peuple croirait tout ce qu’il lui dirait. Mais il ne voulait pas que son gouvernement eût jamais à prendre des mesures qui avaient, une fois déjà, conduit le Reich à l’écroulement et à la misère. L’inflation, les cartes de pain, réveilleraient des souvenirs néfastes, des associations d’idées et des soupçons qui se tourneraient immédiatement contre tout ce qu’entreprendrait le national-socialisme. Toute confiance dans le régime serait ainsi ruinée en peu de mois.
— « Tout l’appareil de l’État repose, en dernière analyse, sur le besoin de sécurité du public et sur la confiance des petits épargnants et des ménagères. Si l’on n’a pas su gagner la confiance des uns et des autres, il n’y a pas de gouvernement qui puisse tenir. »
XXXV
LE SECRET
DE LA DOMINATION DES MASSES
C’est ainsi qu’à propos des affaires de Dantzig, Hitler me fit tout un exposé sur l’art de gouverner, qu’il réduisait à l’art de conduire les masses.
Il devinait, avec une intuition infaillible, me dit-il, les sentiments de la foule, ce qu’on pouvait lui demander et ce qu’il était dangereux de lui dire. C’était là, assurait-il, un don qu’on avait ou qu’on n’avait pas. Il l’avait de naissance, à un tel degré que personne ne pouvait lui en remontrer. Mais, le don ne suffisait pas. Il fallait encore avoir la maîtrise absolue de tous ses moyens. La conduite des masses était un art, au sens le plus strict du mot. Comme dans les autres arts, la virtuosité ne pouvait s’acquérir que par un travail acharné : « Mes adversaires m’ont regardé avec dédain. Ils se sont demandés, pleins de jalousie : Comment cet homme obtient-il ses succès auprès des foules ? Ces socialistes, ces communistes considéraient que la masse était leur monopole. Ils détenaient les salles de réunion, et ils étaient les maîtres de la rue. Et voilà que subitement un homme est venu et qu’aussitôt un grand mouvement populaire est né. Était-ce affaire de chance, ou défaut de jugement du côté des masses ? J’en demande pardon à ces messieurs : ils se trompent. Nous y étions bien pour quelque chose, nous, nos efforts et notre technique.
» Le manque d’esprit critique de la masse est certainement une explication, mais non pas dans le sens où l’entendent nos marxistes et nos réactionnaires abrutis. La masse possède ses organes de critique. Ils fonctionnent simplement d’une autre manière que chez l’individu. La masse est comme un animal qui obéit à ses instincts. Pour elle, la logique et le raisonnement n’entrent pas en ligne de compte. Si j’ai réussi à déclencher le mouvement national le plus puissant de tous les temps, cela tient à ce que je n’ai jamais agi en contradiction avec la psychologie des foules ni heurté la sensibilité des masses. Cette sensibilité peut être primitive, mais elle a le caractère permanent et irrésistible d’une force de la nature. Lorsque la masse a fait une dure expérience, comme celle de l’époque des cartes
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