Hommage à la Catalogne
militaire, et les communistes anglais, tout comme les communistes français, n’auront plus alors le choix d’être autre chose que bons patriotes et impérialistes ; il y a des signes avant-coureurs de cela déjà. En Espagne, la « ligne » communiste fut, sans aucun doute, influencée par le fait que la France, alliée de la Russie, serait énergiquement opposée à un voisinage révolutionnaire et remuerait ciel et terre pour empêcher l’affranchissement du Maroc espagnol. Le Daily Mail , avec ses contes de révolution rouge financée par Moscou, se trompait de façon encore plus extravagante que d’habitude. En réalité ce furent les communistes, plus que tous les autres, qui empêchèrent la révolution en Espagne. Et, un peu plus tard, quand les forces de l’aile droite furent pleinement au pouvoir, les communistes se montrèrent résolus à aller beaucoup plus loin que les libéraux dans la persécution des leaders révolutionnaires {15} .
J’ai tenté d’esquisser la marche générale de la révolution espagnole pendant la première année parce que cela permet de mieux comprendre la situation à un moment donné. Mais je n’entends pas suggérer que, en février, je professais toutes les opinions politiques qu’implique ce que je viens de dire. D’abord, les événements qui m’éclairèrent le mieux n’étaient pas encore survenus, et, de toute manière, mes sympathies, à certains égards, s’orientaient tout autrement qu’elles ne font aujourd’hui. Cela venait en partie de ce que le côté politique de la guerre m’ennuyait et de ce que, spontanément, je m’insurgeais contre le point de vue que j’entendais le plus souvent exposer – c’est-à-dire celui du P.O.U.M. et de l’I.L.P. Les Anglais parmi lesquels je me trouvais étaient pour la plupart membres de l’I.L.P., quelques-uns étaient membres du P.C. ; presque tous possédaient une éducation politique bien supérieure à la mienne. Pendant de longues semaines de suite, durant la morne période où rien ne se passait autour de Huesca, je me suis trouvé au sein d’une discussion politique qui ne finissait pour ainsi dire jamais. Partout, dans les granges puantes et pleines de vents coulis des fermes où l’on nous logeait, dans l’obscurité étouffante des abris souterrains, derrière le parapet pendant les heures glaciales du milieu de la nuit, le débat au sujet des « lignes » contradictoires des partis se poursuivait sans fin. Parmi les Espagnols c’était la même chose, et la plupart des journaux que nous lisions faisaient la plus grande place aux dissensions partisanes. Il eût fallu être sourd ou imbécile pour ne pas se faire quelque idée de ce que soutenait chaque parti.
Du point de vue de l’idéologie politique, trois partis seulement comptaient : le P.S.U.C., le P.O.U.M. et la C.N.T.-F.A.I. (inexactement appelée : les anarchistes). Je parlerai du P.S.U.C. en premier lieu, comme étant le plus important ; ce fut le parti qui finalement triompha, et, même déjà à cette époque, visiblement il prédominait.
Il est nécessaire d’expliquer que parler de la « ligne » du P.S.U.C., c’est parler en fait de la «ligne » du parti communiste. Le P.S.U.C. ( Partido Socialista Unificado de Cataluña ) était le parti socialiste de Catalogne ; il avait été formé au début de la guerre par la fusion de différents partis marxistes, dont le parti communiste catalan ; mais il était à présent totalement dirigé par les communistes et affilié à la Troisième Internationale. Ailleurs en Espagne, l’unification entre socialistes et communistes n’avait pas formellement eu lieu ; mais on pouvait partout considérer comme identiques le point de vue communiste et celui de l’aile droite des socialistes. Généralement parlant, le P.S.U.C. était l’organe politique de l’U.G.T. ( Unión General de Trabajadores ), la centrale syndicale socialiste. Le nombre des membres de ces syndicats atteignait alors, pour toute l’Espagne, un million et demi. Ils comprenaient plusieurs sections de travailleurs manuels, mais depuis le début de la guerre ils s’étaient augmentés de membres de la classe moyenne qui avaient afflué en grand nombre, car, aux premiers jours de la « révolution », des gens de toutes sortes avaient jugé opportun d’adhérer soit à l’U.G.T., soit à la C.N.T. Les deux centrales syndicales se chevauchaient, mais des deux c’était la C.N.T. qui avait plus
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