Hommage à la Catalogne
( Federación Anarquista Ibérica ), la véritable organisation anarchiste. Mais même les membres de la F.A.I., encore qu’imprégnés, comme peut-être le sont la plupart des Espagnols, de l’idéologie anarchiste, n’étaient pas forcément tous des anarchistes, au sens le plus pur du mot. Et particulièrement depuis le début de la guerre, ils avaient évolué dans le sens du socialisme ordinaire, ayant été forcés par les circonstances à participer à l’administration en entrant dans le gouvernement. Néanmoins ils différaient fondamentalement des communistes au point que, pour eux comme pour le P.O.U.M., le but visé était le pouvoir ouvrier et non la démocratie parlementaire. Ils adoptaient le mot d’ordre du P.O.U.M. : « La guerre et la révolution ne doivent pas être séparées », mais se montraient à ce sujet moins dogmatiques. Voici, en gros, ce que voulait la C.N.T.-F.A.I. : 1) Contrôle direct exercé sur chaque industrie (par exemple transports, industrie textile, etc.) par les ouvriers y appartenant. 2) Gouvernement au moyen de comités locaux et résistance à toutes les formes de régime autoritaire centralisé. 3) Hostilité sans compromis à l’égard de la bourgeoisie et de l’Église. Ce dernier point, le moins précis pourtant, était le plus important. Les anarchistes étaient à l’opposé de la majeure partie des soi-disant révolutionnaires : si leur politique était assez vague, leur haine du privilège et de l’injustice était d’une intransigeante sincérité. Idéologiquement, communisme et anarchisme sont aux antipodes l’un de l’autre. Pour la pratique – c’est-à-dire quant à la forme de société souhaitée – il n’y avait entre eux qu’une différence d’accent, mais irréconciliable : les communistes mettent toujours l’accent sur le centralisme et l’efficacité, les anarchistes sur la liberté et l’égalité. L’anarchisme a des racines profondes en Espagne, et il est probable qu’il survivra au communisme lorsqu’elle ne sera plus sous l’influence russe. Pendant les deux premiers mois de la guerre, c’étaient les anarchistes, plus que tous les autres, qui avaient sauvé la situation, et longtemps encore ensuite les milices anarchistes, en dépit de leur indiscipline, furent sans conteste les meilleurs combattants d’entre les forces purement espagnoles. À partir environ de février 1937 on peut, dans une certaine mesure, parler en bloc des anarchistes et du P.O.U.M. Si les anarchistes, le P.O.U.M. et l’aile gauche des socialistes avaient eu le bon sens de s’unir dès le début et d’imposer une politique réaliste, l’histoire de la guerre eût pu être différente. Mais en cette période du début, où les partis révolutionnaires semblaient tenir le succès entre leurs mains, c’était impossible. Entre anarchistes et socialistes d’anciennes jalousies subsistaient, et le P.O.U.M., en tant que marxiste, était sceptique à l’égard de l’anarchisme, cependant que du pur point de vue anarchiste, le « trotskysme » du P.O.U.M. n’était guère préférable au « stalinisme » des communistes. Néanmoins, la tactique communiste eut pour effet de rapprocher ces deux partis. Ce fut surtout un instinct de solidarité à l’égard de la C.N.T. qui détermina le P.O.U.M. à prendre part aux désastreux combats de mai à Barcelone, et, plus tard, lors de la suppression du P.O.U.M., les anarchistes furent les seuls à oser élever la voix pour le défendre.
Donc, généralement parlant, la démarcation des forces était la suivante : d’un côté, la C.N.T.-F.A.I., le P.O.U.M. et une fraction des socialistes, tenants du pouvoir ouvrier ; de l’autre, l’aile droite des socialistes, les libéraux et les communistes, tenants d’un gouvernement centralisé et d’une armée militarisée.
On saisit aisément pourquoi, à cette époque, je préférais le point de vue communiste à celui du P.O.U.M. Les communistes avaient une politique pratique précise, nettement meilleure du point de vue du bon sens, d’un bon sens qui ne regardait que quelques mois en avant. Et certainement la politique au jour le jour du P.O.U.M., sa propagande, etc., fut plus mauvaise qu’on ne saurait le dire ; il faut bien croire qu’elle l’a été, sans cela il eût pu rallier un beaucoup plus grand nombre de partisans. Ce qui me confirmait alors dans mon opinion, c’était que les communistes – du moins à ce qu’il me
Weitere Kostenlose Bücher