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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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poche.
    — Pardon, frère ! s’exclama un pèlerin
pouilleux à l’air réjoui.
    Il ricanait tout en brandissant un bourdon
chargé de rubans blancs. Mais ni le chapeau d’ailes larges, ni la pèlerine, ni
sa barbe longue et crasseuse ne parvinrent à me tromper : l’homme qui
s’éloignait déjà d’un pas léger était Rodrigo Jiménez, notre ancien ami
Personne. Je serrai les mâchoires et ne le quittai sachant que des Templiers
m’observaient sans doute la foule.
    Je fus alors sur le point de me repentir, mais
il y a des moments dans la vie où reculer vous fait perdre pied et tomber.
Malgré toutes mes craintes, je décidai d’aller de l’avant. Je me mêlai au
troupeau qui essayait d’entrer dans le sanctuaire par la porte occidentale, le
porche de la Gloire. Poussé par cette marée humaine, j’avançai à tâtons pour me
trouver soudain face à un prodige de beauté : un gigantesque tympan,
présidé par un Christ en majesté d’une taille extraordinaire entouré de
personnages de l’Apocalypse et des Évangiles, couronnait le porche de la
cathédrale. Je découvris, dans le meneau, le symbole qui avait guidé mon destin
durant ces longs derniers mois : l’apôtre Jacques était appuyé sur l’arbre
de Jessé et tenait dans la main un bâton en forme de Tau !
    Je me sentis nauséeux, étourdi, trop fatigué
pour essayer de comprendre cet ensemble de signes qui me sautaient aux yeux
avec une cruauté raffinée. Je refusai tout de go de poser ma main sur le tronc
de l’arbre de Jessé comme le faisaient tous les pèlerins et ne frappai pas ma
tête contre la tête de pierre de la grotesque effigie qui, le dos tourné au
porche, regardait d’un air imperturbable le maître-autel. J’étais en train de
me demander qui était ce personnage quand j’entendis des pèlerins aragonais
expliquer que cette figure courtaude était celle d’un certain maître Mateo, le
bâtisseur du porche. « Comme c’est bizarre ! me dis-je amusé et
perplexe, les gens font sans le savoir le geste de la transmission du savoir
avec un maître d’oeuvre qui était indiscutablement initié. » Je me laissai
de nouveau emporter par la foule. L’intérieur resplendissait de lumières, d’ors
et de pierres précieuses. Des gens pleuraient d’émotion, agenouillés, bouche
bée, sans pouvoir cesser de regarder les richesses incommensurables qui les
environnaient. Il y avait du monde partout. Les gens affluaient de toutes
parts. Et l’odeur pestilentielle que dégageaient ces pauvres corps se mêlait
aux parfums pénétrants d’encens, aux effluves des fumigations et aux senteurs
des milliers de fleurs qui ornaient les autels de saint Nicolas, de la Sainte
Croix, de la Sainte Foi, de saint Jean l’Évangéliste, de saint Pierre, de saint
André, de saint Martin, de Marie Madeleine, du Sauveur, de saint Jacques.
    Je ne sais pas très bien comment je parvins
jusqu’au maître-autel sous lequel se trouvait un coffre de marbre enserrant les
prétendues reliques de l’apôtre. De grande taille, il était fermé sur le devant
par un bandeau d’or et d’argent finement travaillé sur lequel on pouvait voir
les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse, la figure du Christ, et celles des
douze apôtres. Cet autel était surmonté d’un petit temple carré appuyé sur
quatre colonnes stylisées et décoré d’admirables peintures et ornements.
C’était le lieu parfait pour lire le message que Rodrigo m’avait glissé dans la
poche. Même si j’avais agité un mouchoir rouge jusqu’à me fatiguer les bras,
personne ne m’aurait prêté la moindre attention. « Merci de ta collaboration,
vénérable Priscillien, me dis-je en regardant le sépulcre. Continue à recevoir
l’adoration du monde, même si c’est sous un faux nom, pour les siècles des
siècles. »
    Si, comme il le semblait, j’étais prêt à
négocier, m’indiquait le message, Manrique de Mendoza m’attendrait dans une
semaine, au Bout du Monde... Je demeurai pétrifié. Je n’avais plus qu’une
semaine pour en finir avec ma vie passée et arriver jusqu’à la fin de la Terre
avec Sara et Jonas ! Je notai que ma peau se hérissait (comme lorsque Sara
me mordillait l’oreille) et qu’une sueur froide me parcourait le dos.
« Réfléchis, Galcerán, réfléchis », me répétais-je inlassablement
tandis que je m’en retournai au pas de course vers le palais Ramirans par les
ruelles les plus fréquentées et animées que j’ai

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