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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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chrétiennes ou maquillait la vie de personnages populaires,
presque toujours païens ou initiés, pour l’accommoder aux canons de la
sainteté, elle profita de l’oubli dans lequel était tombé le sépulcre de
Priscillien au moment de l’invasion arabe du VIII e siècle, un temps
de morts et de terreur, pour le transformer en sépulcre de l’apôtre saint
Jacques le Majeur, frère de saint Jean l’Evangéliste, et fils, comme celui-ci,
du pêcheur Zébédée et d’une femme appelée Marie Salomé. Elle le dota d’une
belle légende chargée de miracles permettant de justifier l’impossible, car
saint Jacques n’était jamais venu en Espagne comme le démontraient les
Évangiles et les Actes des Apôtres, pas plus que son corps, curieusement
décapité lui aussi, n’était arrivé à Compostelle dans une barque de pierre
poussée par le vent depuis Jérusalem.
    Trois jours après avoir quitté Portomarin, nous
entrions sous un pâle soleil dans cette noble et illustre cité où, dit-on, tous
les miracles sont possibles.
    — Enfin ! s’écria Jonas à plusieurs
reprises.
    Le rire gai et léger de ma chère magicienne lui
répondait, tandis que l’escorte chevauchait, impassible, à nos côtés.
    Une foule imposante de passants de toutes les
nationalités et d’animaux de toutes sortes embouteillait les rues étroites,
marécageuses et pestilentes de la ville. Pour un homme comme moi qui avait
connu les plus grandes villes d’Orient et d’Occident, cette cité, l’un des
trois Axis Mundi, était la plus grande supercherie que l’on puisse
imaginer. L’impressionnante rue de Casas Reais flanquée de riches palais et
maisons nobles présentait le même aspect de saleté et de puanteur que la
populaire Via Francigena agitée en permanence par une foule bruyante de maçons,
marchands, mendiants, filles publiques, changeurs et vendeurs d’amulettes et de
reliques. Alors que je désespérais déjà de ne rien trouver de digne dans cette
ville exécrable, subissant les attaques de mille hésitations provoquées par
cette ambiance délétère, je dus m’engager dans une misérable ruelle qui
déboucha à ma grande stupéfaction sur l’étonnante basilique consacrée à
l’apôtre. Des centaines de pèlerins s’agglutinaient devant, formant une masse
grotesque et malodorante. Certains jouaient du coude sans ménagement pour
franchir le portique ; d’autres baisaient ce sol si ardemment
désiré ; d’autres encore demeuraient agenouillés dans une attitude de
ferveur, la tête nue inclinée, et le bourdon, compagnon de tant de jours,
abandonné sur le pavé. Impossible de passer avec l’attelage. Je fis donc
demi-tour et cherchai d’autres ruelles menant au palais de Ramirans. Sara,
Jonas et notre escorte devaient y loger. Quant à moi, comme prévu, je devais me
contenter d’un coin de l’écurie entre chaises, harnais, courroies et
bourrelets. C’était un détail important, car si, durant la journée, nous
demeurions sous l’oeil vigilant de frère Ferrando et de ses hommes, la nuit,
avec les précautions nécessaires, un homme seul, un domestique anonyme qui plus
est, pouvait quitter le palais en secret sans se faire remarquer.
    L’après-midi de notre arrivée, Sara et Jonas
sortirent faire des achats dans la ville, tandis que je restais dans les
écuries à soigner nos bêtes. Notre escorte dut se diviser en deux groupes. Un
jeune hospitalier demeura à mes côtés, d’abord silencieux, puis, après une
partie de dames, pérorant sans fin sur la production agricole et les rentes
annuelles de notre commanderie. Je l’écoutais avec une grande attention comme
si ce qu’il me racontait, et qui m’ennuyait infiniment, était la chose la plus
intéressante que j’eusse entendue dans ma vie. Je lui posais toutes sortes de
questions, j’insistais sur les affaires qui me paraissaient les plus
importantes à ses yeux, et conclus avec lui que notre ordre devait gérer avec
plus d’efficacité la culture des céréales et des vignes pour augmenter leurs
rendements. Après avoir patiemment supporté tout ce galimatias, j’obtins son
estime, sa reconnaissance et la diminution de sa vigilance.
    Quand enfin, cette nuit-là, le silence se fit
dans le palais et que je me retrouvai seul à l’écurie, je retirai mon
déguisement d’aurige boiteux, contrefait et édenté, pour revêtir les habits de
maquignon que Sara et Jonas avaient achetés, suivant mes indications, et qu’ils
m’avaient

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