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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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chaise un peu plus loin et remonta dessus. Il trouva enfin ce
qu’il cherchait car il eut un sourire satisfait en sortant de l’intérieur de la
jarre un petit papier.
    — Le voilà !
    Je me levai et m’approchai de lui pour lui
prendre la feuille de la main. Malgré son escabeau de fortune, l’aubergiste
m’arrivait à peine au cou. Il avait tracé d’une écriture grossière, celle d’un
commerçant qui a juste appris les rudiments nécessaires, les noms
suivants :
     
    ADAB
AL-ACSA
    ET
    FAT
AL-YEDOM
     
    — C’est tout ? dis-je.
    — C’est tout, confirma le gros aubergiste.
Vous pouvez garder le papier si vous voulez.
    — Dans ce cas, ma mission est terminée. Si
vous voulez bien me dire ce que je vous dois pour cet excellent repas...
    — Vous n’y pensez pas, chevalier ! Je
vous dois le salut de mon âme, je serai toujours votre débiteur.
    — Bien. Je remettrai donc cette somme aux
prêtres de mon église à Valence, ils diront des messes pour le salut de mon
cousin.
    — Dieu vous récompensera largement pour
votre noble coeur. Mais attendez, je vais aller chercher vos chevaux.
    Je regardai Jonas qui arborait un visage réjoui.
Ses yeux brillaient d’enthousiasme.
    — J’ai un tas de questions à vous poser,
murmura-t-il d’une voix excitée.
    — Dès que nous nous serons éloignés d’ici.
    Trois heures après avoir quitté Roquemaure,
j’arrêtai ma monture près d’une rive abritée du Rhône dont nous suivions le
cours, pour y faire un feu, dîner et dormir. J’avais passé ces trois heures à
raconter à Jonas la mission dont le pape m’avait chargé ainsi que tous les
détails de l’histoire des Templiers qu’il ne pouvait connaître en raison de son
jeune âge et de sa vie cloîtrée. Tandis que nous allumions le feu, il fit cette
remarque :
    — Je crois que le pape a tellement peur de
mourir, frère, que si vous lui dites qu’en effet ce sont les Templiers qui ont
tué son prédécesseur, il approuvera la demande du roi Diniz pour écarter tout
danger. Et si vous lui dites l’inverse, il la refusera pour se débarrasser à
jamais d’eux.
    — Tu as peut-être raison, mon garçon, mais
il va nous falloir tirer cela au clair.
    — Et vous avez déjà commencé, n’est-ce
pas ? Tous ces mensonges et péchés ont porté leurs fruits, non ?
    — La seule chose que je sais avec certitude
c’est que deux médecins arabes ont examiné Clément V avant sa mort. Rien de
plus.
    — Et que dites-vous du remède, les
émeraudes ?
    — On dit que certaines pierres précieuses
ont des vertus curatives.
    — Mais sont-elles réellement
efficaces ?
    — Malheureusement, non. Mais l’expérience t’apprendra
que les véritables préparations ne sont pas les seules à guérir les
souffrances. Tu as entendu l’aubergiste comme moi : l’état du pape s’est
amélioré dès qu’il a pris le remède.
    — Mais de quel mal souffrait-il à votre
avis ?
    — D’après ce que j’ai pu apprendre, je
crois que Sa Sainteté n’avait pas la conscience très tranquille... Imagine-toi,
Jonas, que tu es Clément V. Le dix-neuf mars de l’année 1314, tu assistes à
l’horrible supplice par le feu de deux hommes que tu connais depuis de nombreuses
années, dont la culpabilité n’a pas été démontrée et qui de plus sont tes
sujets en tant que moines. Les tiens exclusivement, et non ceux du roi de
France. Tu as essayé de les protéger des colères et des ambitions de ce roi à
qui tu dois la papauté et qui te maintient à cette place, mais Philippe t’a
menacé de nommer un autre pape si tu ne cédais pas à ses exigences. Donc tu es
là, tu sais que Dieu te regarde et te juge, et au même instant, alors que le
feu commence à mordre sa chair, le grand maître de l’ordre des Templiers te
maudit et te convoque devant le tribunal de Dieu avant un an. Toi,
naturellement, tu prends peur. Tu essayes de ne plus y penser, mais tu n’y
parviens pas. Tu fais des cauchemars, l’idée t’obsède... Tu veux poursuivre ta
vie quotidienne de pasteur de l’Église, mais tu sens une épée de Damoclès
au-dessus de ta tête. Alors les nerfs te trahissent. Tout le monde n’a pas la
même nature, Jonas, certains supportent vaillamment les plus grandes disgrâces
physiques, mais s’effondrent au moindre tourment moral. D’autres au contraire
réagissent avec fermeté dans ce cas, mais à la moindre douleur physique hurlent
comme un cochon qu’on égorge. Notre pape

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