Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
Vom Netzwerk:
les avait peintes.
    — Ah ! poursuivez, je vous prie.
    — Les heures passaient sans aucun
changement. Les soldats buvaient en silence, ici même, comme s’ils étaient
effrayés, et dans ce coin, à la grande table, un groupe de cardinaux de la
Chambre et de la chancellerie conversaient à voix basse. J’en connaissais
certains, c’étaient de vieux habitués, de ceux qui passent par l’escalier de la
grange pour que personne ne les voie... Enfin, je leur apportai à manger puis
montai son repas au pape et à votre cousin qui s’occupait de lui avec l’aide
d’un jeune prêtre qui était déjà descendu prendre quelque chose. Le pape était
dans le lit, appuyé contre les oreillers, et respirait avec peine, d’un souffle
saccadé comme s’il se noyait. On aurait dit qu’il manquait d’air.
    — Que se passa-t-il ensuite ?
    — Il ne voulut rien manger, il disait qu’il
avait l’estomac serré et désirait seulement boire un peu de vin. Mais votre
cousin jugea que ce n’était pas une bonne idée, car cela pouvait faire monter
la fièvre, et il le poussa à retourner à Avignon pour que son médecin personnel
puisse l’examiner. Le pape refusa tout net. En fait, il fit même un bond de
rage dans son lit, en dépit de son état de faiblesse, et cria à votre cousin
qu’il devait arriver à Villandraut au plus vite, que son médecin était un niais
qui n’avait pas su le soigner, et que si on ne le ramenait pas chez lui, en
Gascogne, il mourrait. Très gêné, je m’excusai et sortis, mais j’étais à peine
arrivé au bout du couloir que votre cousin me rappelait. Il me demanda si je
connaissais un médecin à Roquemaure ou dans les villages voisins. « Et
tant pis s’il n’est pas très bon, me dit-il, il suffit qu’il ait bon aspect. Je
veux quelqu’un qui puisse réconforter Sa Sainteté par de bonnes paroles, et le
convaincre qu’il se porte assez bien pour poursuivre la route. »
    — Telles furent les paroles exactes
d’Henri ?
    — Oui, et vous allez comprendre pourquoi je
m’en souviens si bien. Deux médecins arabes étaient arrivés à mon auberge
quelques jours auparavant me demandant le gîte pour quatre ou cinq nuits. On ne
voit pas souvent de Maures dans nos villages, mais il n’est pas rare non plus
que de riches commerçants ou même des diplomates traversent Roquemaure pour se
rendre en Espagne ou en Italie, et ces gens-là payent bien. Les médecins
s’étaient enfermés dans leur chambre depuis le premier jour, n’en sortant que
pour manger ou aller se promener l’après-midi. Un de mes fils les a vus une
fois étendre leurs tapis près de la rivière, se prosterner et faire des
génuflexions.
    — Vous avez donc dit à mon cousin que
justement deux médecins arabes logeaient à l’auberge et que vous pourriez leur
demander de l’aide.
    — Exactement. Au début, le cardinal n’osa
pas proposer au pape de se laisser examiner par deux Maures, mais comme on
n’avait pas le choix, on finit par consulter le Saint-Père qui accepta.
Apparemment, il avait déjà été soigné par des médecins arabes et avait été très
content du résultat. J’allai donc frapper à la porte de ces messieurs et leur
expliquai la situation. Ils se montrèrent disposés à collaborer et parlèrent
longuement avec votre cousin avant d’aller voir le malade. Je ne sais pas ce
qu’ils se sont dit, mais votre cousin a dû leur faire beaucoup de
recommandations parce que je les voyais hocher la tête. Après, ils sont entrés
dans la chambre et je les ai suivis au cas où ils auraient besoin de quelque
chose. Je dois ajouter que ceux qui étaient en bas ignoraient tout de ce qui se
passait à l’étage puisque même le prêtre qui aidait habituellement votre cousin
auprès du pape était resté prier ici pour la santé de son maître avec les
cardinaux. Donc, continua-t-il après avoir bu un long trait de vin, les
médecins examinèrent avec diligence Sa Sainteté. Ils regardérent ses pupilles,
l’intérieur de sa bouche, lui prirent le pouls, lui palpèrent le ventre, et
finalement prescrivirent une mixture d’émeraudes en poudre dissoute dans un peu
de vin. Ils lui dirent que cette potion adoucirait ses maux d’estomac et que la
fièvre tomberait en quelques minutes. Le remède parut bon au pape qui se montra
disposé à piler trois magnifiques émeraudes qu’il portait sur lui. Il était
convaincu qu’il guérirait. Les médecins me demandèrent un mortier et du vin

Weitere Kostenlose Bücher