Iacobus
dites,
soupira-t-il.
— Et c’est normal pour l’instant, mon
garçon. Mais laisse-moi continuer : ils étaient deux, et ils se faisaient
passer pour musulmans au point de prier tous les jours en direction de La
Mecque comme l’a rapporté l’innocent fils de notre aubergiste qui les a surpris
par hasard. Du grand art. Mais nos Templiers sont vaniteux. Ils sont tellement
convaincus de leur supériorité, et de leur efficacité, qu’ils laissent toujours
derrière eux une piste, aussi infime soit-elle.
— Et vous l’avez trouvée ? demanda
Jonas d’un ton exalté.
— Les noms. Tu t’en souviens ?
— Oui. Adab Al-Acsa et Fat Al-Yedom.
— Rappelle-moi que l’une des premières
choses que je dois t’enseigner sont les langues arabe et hébraïque. Sans elles,
tu ne peux aller nulle part aujourd’hui dans le monde.
— Vous voulez dire que ces noms renferment
sûrement une signification que je suis incapable de comprendre.
— En effet. Tu vas voir : la première
chose, c’est d’écouter le son. Nous ne disposons que de la transcription d’un
homme ignorant qui n’est pas habitué à la musique de la langue arabe. Donc la
première chose, c’est écouter.
— Adab Al-Acsa et Fat Al-Yedom.
— Très bien. Maintenant procédons mot par
mot : Adab renvoie certainement à Adâb qui signifie
« châtiment ». Quant à Al-Acsa, c’est facile, il
s’agit évidemment de la mosquée Al-Aqsa qui signifie
« l’unique » et qui est située à l’intérieur de l’enceinte du Temple
de Salomon. C’est là que vécurent les Templiers à l’époque du roi Baudouin II. Nous pouvons donc en conclure que la
traduction approximative d’Adab Al-Acsa serait : « Châtiment de
l’Unique » et par dérivation « Châtiment des Templiers ».
— Incroyable !
— Il nous reste le deuxième nom, Fat
Al-Yedom. Fat, comme Adab, ne présente pas de
grosse difficulté. Il s’agit du mot Fath qui signifie
« victoire ». Mais victoire de qui ? Ce nom, Al-Yedom, ne me dit rien. Mais l’univers est grand, et comme l’a
démontré Al-Juarizmi dont le véritable nom était Muhammad ibn Musa, la Terre
est un immense globe sans début ni fin que l’on peut parcourir éternellement.
Peut-être y a-t-il quelque part dans le monde un lieu qui s’appelle Al-Yedom...
— Comment ça la Terre est ronde ?
s’écria Jonas en écarquillant les yeux, profondément scandalisé. Quelle sottise !
Tout le monde sait que la Terre est plate et qu’elle se soutient par deux
colonnes situées à l’est et l’ouest, et que si l’on voulait aller au-delà on
tomberait dans un abîme infini.
— Pour le moment, et jusqu’à ce que tu aies
étudié suffisamment de mathématiques et d’astronomie, je te laisserai croire à
ces bêtises.
— Mais c’est la vérité, c’est ce que
l’Église enseigne !
— Je t’ai déjà dit que je n’ai pas
l’intention de discuter de cela pour le moment. Je préfère résoudre l’énigme
que renferment les mots Al-Yedom. Si nos deux
Templiers voulaient laisser une piste avec le premier nom, la solution du
second doit être aussi à notre portée. Il suffit de retrouver la procédure
qu’ils ont empruntée pour choisir leurs pseudonymes. Le premier signifie quelque
chose comme « Châtiment des Templiers », et le deuxième commence par
« Victoire de... » De qui ? D’une personne, d’un lieu, d’un
symbole... ? Alyedom, Alyedom, répétai-je à voix haute cherchant une piste
dans la sonorité des syllabes. Voyons, cela ne doit pas être si difficile. Ils
voulaient qu’on les découvre... Commençons par supposer que ce soit la victoire
de quelqu’un. Il s’appellerait donc Al-Yedom...
Je m’arrêtai net, frappé par l’intelligence du
procédé.
— Mais bien sûr ! je l’avais sous les
yeux ! C’est d’une telle simplicité qu’ils ont même dû en rire.
— Je ne comprends pas.
— Réfléchis, Jonas. Quelle est la première
règle pour cacher un message ?
— Je l’ignore mais serai ravi de
l’apprendre.
— Jouer avec l’ordre des lettres,
Jonas ! Avec l’ordre des lettres ou des mots. Il y a un certain nombre
d’années, pour des raisons que je ne peux encore t’expliquer, j’ai dû me
plonger dans les traités sur les langages chiffrés ; tous recommandaient
l’utilisation du simple jeu de mots : le calembour, l’assonance,
l’anagramme et le hiéroglyphe. L’homme va toujours au plus compliqué
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