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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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rénové.
    Un jour, pendant la prière, j’entendis entre
deux chants une toux infantile et caverneuse qui me fit sursauter. Cette toux
n’était pas sortie de ma poitrine, pourtant j’aurais juré que c’était moi qui
m’enrouais et suffoquais ainsi. Je regardai, excité, l’endroit où les pue ri
oblati suivaient l’office, avec force bâillements, sous l’oeil
vigilant du très patient frère nourricier, mais ne pus distinguer qu’un groupe
d’ombres minuscules et inquiètes. La nef qu’une dizaine de cierges éclairaient
à peine était plongée dans les ténèbres.
    Quand j’entrai dans l’infirmerie à la première
heure le lendemain matin, un frère infirmier examinait avec attention un jeune
garçon qui regardait d’un air sévère et méfiant tout ce qui l’entourait. Je me plaçai
discrètement dans un coin et réalisai à distance mon propre examen du patient.
Il avait certainement mauvaise mine, ses yeux et ses pommettes étaient un peu
creusés, il transpirait abondamment, mais il n’y avait rien là-dedans de très
inquiétant. C’étaient les signes d’un simple refroidissement. Sa poitrine
décharnée se soulevait et s’abaissait rapidement, dénotant son anxiété, on
entendait un léger sifflement, et il était souvent secoué d’une forte toux
sèche. Le mieux, me dis-je, serait de le mettre au lit et de l’y garder
plusieurs jours avec des bouillons chauds et du vin pour qu’il exsude les
mauvaises humeurs...
    — Le mieux, affirma alors l’infirmier
accompagnant ses paroles de petits coups sur le dos de l’enfant, c’est de
pratiquer une saignée et de lui donner une purge légère. Dans une semaine il
n’y paraîtra plus.
    — Vous voyez ! cria Jonas en se
tournant vers le bienveillant frère nourricier, je vous l’avais bien dit, il va
me saigner ! Vous m’aviez promis que vous ne le laisseriez pas faire.
    — C’est vrai, frère infirmier, je lui ai
donné ma parole.
    — Très bien. Dans ce cas, une purge
puissante !
    — Non !
    C’est curieux comme la nature joue avec la chair
et le sang de génération en génération. Jonas, qui n’avait aucun de mes traits,
possédait néanmoins une voix identique à la mienne, une voix infantile qui de
temps à autre, parce qu’il muait, se faisait plus grave, et alors personne
n’aurait pu percevoir de différence entre lui et moi.
    — Si vous me permettez, frère Borrell,
dis-je à l’infirmier en m’approchant de la scène du drame, nous pourrions
peut-être remplacer la purge par une exudatio.
    Je levai la paupière droite de Jonas et
m’approchai pour examiner son iris. Sa santé générale était excellente, il
était peut-être un peu affaibli en ce moment, mais une bonne diaphorèse et de
longues nuits de sommeil lui feraient le plus grand bien. Je ne pus éviter de
noter qu’il avait les yeux de sa mère, d’un bleu clair strié de gris, un trait
que tous deux avaient hérité d’un lointain ancêtre français... Jonas
l’ignorait, mais son lignage maternel était noble ; il descendait des
Jimeno du Léon et de la noble dynastie des Mendoza de la province d’Alava.
Quant à son sang paternel, bien que déchu, il était ancien et royal, remontant
à Wilfried le Velu. Dans ses veines courait donc le sang des fondateurs des
règnes espagnols, et dans ses armoiries – bien qu’il ignorât également qu’il en
possédait – se mêlaient de magnifiques et nombreux châteaux, lions, et croix.
Si, comme je le soupçonnais, ce garçon était bien le Jonas que je cherchais,
jamais, en aucune manière, il ne serait ordonné moine. Il était promis à de
plus hautes destinées, et personne, pas même l’Église, ne pourrait l’empêcher
de les accomplir.
    — Je n’aime pas les exsudations, marmonna
frère Borrell en pliant des linges. Elles ont peu d’effet sur les humeurs
bilieuses.
    — Voyons ! frère Borrell !
protestai-je, observez bien cet enfant, et vous verrez qu’il ne souffre pas de
la bile, mais d’un refroidissement, et que de surcroît son corps est en pleine
transformation. Quoi qu’il en soit, vous pouvez lui appliquer un emplâtre de
pierre ponce, soufre et alun qui facilitera la transpiration, et lui préparer
aussi quelques pilules contre la toux avec de petites quantités d’opium,
castoréum, piment et myrrhe….
    Convaincu par cette suggestion qui mettait à
l’épreuve ses capacités reconnues d’herboriste, frère Borrell se dirigea vers
la pharmacie pour

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