Iacobus
et m’inquiète terriblement. J’ignorais que le garde des
Sceaux était mort empoisonné, et encore moins qu’un... qu’un personnage
puissant à la Cour de France s’intéressait à cette mort.
Ah ! ça y est, je le tenais son point
vulnérable, son talon d’Achille !
— Oh ! oui, madame. Et comme je vous
l’ai dit il s’agit d’une personne illustre et très haut placée.
— Quelqu’un comme le roi ? dit-elle
d’une voix peu assurée.
— Madame, j’ai prêté serment !
— Très bien, je ne vous obligerai pas à
être parjure, chevalier, s’exclama-t-elle sans grande conviction, mais imaginons,
imaginons seulement qu’il s’agisse du roi... Sa voix trembla de nouveau.
Pourquoi voudrait-il savoir une chose pareille trois ans après les faits ?
— Je l’ignore.
Elle se tut quelques instants, perdue dans ses
réflexions.
— Voyons, dit-elle enfin, qui vous a
conduit vers moi ? Qui vous a donné mon nom ?
— Nous avons lu, dans l’un des documents,
que vous aviez été la première à pénétrer dans la chambre du garde des Sceaux
quand ses douleurs ont commencé et que vous étiez à son chevet au moment de son
trépas. J’ai donc naturellement pensé que vous pourriez me fournir ne serait-ce
qu’un détail même insignifiant mais qui pourrait se révéler vital pour mon
travail.
— J’ai entendu dire, reprit-elle encore
mortifiée par cette histoire de personnage important, que le roi s’inquiétait
de certaines rumeurs prétendant que son père et Guillaume seraient morts entre
les mains des chevaliers du Temple. Vous connaissez l’histoire...
— Tout le monde la connaît, madame. Le
grand maître des Templiers, Jacques de Molay, maudit sur le bûcher le roi, le
pape Clément et votre ami. Il se peut que Philippe le Long veuille connaître la
vérité sur la mort de son père, dis-je en admettant ainsi de manière indirecte
l’identité du mystérieux personnage qui préoccupait tant la dame.
— Et il doit le vouloir à tout prix sinon
il n’aurait pas pris la peine d’envoyer jusqu’à Tolède des documents secrets.
— C’est juste, confirmai-je de nouveau,
augmentant exprès son angoisse. D’ailleurs, inutile de vous mentir davantage
puisque vous avez tout deviné : je ne serais pas étonné d’apprendre qu’il
ait sollicité une autre enquête en plus de la nôtre.
Je savais que cette fausse information aurait
raison des résistances de l’ancienne amante de Nogaret. Cela faisait presque
une heure que nous roulions en parcourant le même trajet. Paris est une grande
ville, certes, mais les sentinelles de la muraille allaient finir par se douter
de quelque chose s’ils nous voyaient passer encore une fois devant eux.
— Je vous propose un marché, dit-elle
enfin. Je vous fournis les informations susceptibles de vous aider à résoudre
votre enquête, et vous me jurez d’éloigner tout soupçon de moi.
— Vous auriez donc tué Guillaume de
Nogaret ! m’exclamai-je d’un air outré sachant parfaitement que ce n’était
pas vrai.
— Non, je ne l’ai pas tué ! Je peux le
jurer devant Dieu ! Mais je suis à peu près certaine que l’on s’est servi
de moi pour le tuer. Votre présence ici, et tout ce que vous m’avez raconté me
portent à croire que les véritables assassins désirent me faire passer pour
coupable devant le roi.
— Je vous jure sur ma propre vie,
déclarai-je en posant la main sur mon coeur, que s’il est vrai que vous n’avez
pas tué Guillaume de Nogaret, j’établirai un rapport qui vous délivrera à
jamais de tout soupçon.
— Soyez maudit si vous ne tenez pas votre
parole, déclara-t-elle d’une voix grave.
— Ainsi soit-il, madame, et maintenant,
racontez-moi tout je vous prie, car nous n’avons plus beaucoup de temps et je
ne voudrais pas vous quitter sans connaître la vérité.
Béatrice d’Hirson s’éclaircit la voix, puis,
levant légèrement le petit rideau de la portière, jeta un coup d’oeil sur la rue
plongée dans le noir.
— Vous qui êtes médecin, vous n’avez pas la
moindre idée de tout ce qui se trame à la Cour, des ambitions et des luttes
pour le pouvoir qui se développent chaque jour entre les murs de ce palais...
Guillaume était un homme très intelligent ; il partageait avec le
conseiller Enguerrand de Marigny toute la confiance du roi Philippe IV, et l’on
pourrait dire qu’ils gouvernaient le pays. Guillaume et moi étions amants
depuis
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