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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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mère avait bien renoncé à lui pour
toujours, qu’est-ce qui m’empêchait d’agir de même ? Mais je savais au
fond de moi qu’il me serait douloureux de me séparer de mon fils. Je suppose que
tous les sentiments que j’avais dû réprimer jusqu’à maintenant me laissaient
sans défense à l’idée de le perdre.
    Je partis avec Sara aux premières lueurs de
l’aube qui apparut par un vasistas situé à hauteur du toit. Si Evrard
survivait, une longue journée d’agonie solitaire l’attendait.
    Jonas m’attendait à l’auberge, parfaitement
réveillé.
    — Je veux savoir pourquoi vous avez refusé
que je vous accompagne ? me dit-il sans me laisser le temps de souffler.
    — J’avais plusieurs raisons, dis-je avec un
bâillement avant de me laisser tomber sur le lit, épuisé. Mais la principale,
puisque tu veux le savoir, c’était ta sécurité. Si on nous avait surpris, tu
aurais connu la même fin que ce pauvre vieux qui pourrit dans son cachot. C’est
ce que tu voulais ?
    — Non. Mais vous aussi, vous étiez en
danger.
    — Certes, murmurai-je à moitié endormi.
Mais moi, j’ai déjà vécu ma vie, jeune homme, alors qu’il te reste encore
beaucoup d’années devant toi.
    — J’ai décidé de rester avec vous.
    — Cela me fait très plaisir, dis-je, et je m’endormis
sur ces mots.
    Le lendemain soir je retournai à la forteresse
avec Sara ; contre toute attente, Evrard vivait encore. L’opium l’avait
aidé à résister, même s’il ne lui avait pas rendu la raison. Le vieux Templier
rendit l’âme à l’aurore, après quelques convulsions, sa tête grise tournée vers
un côté, la bouche ouverte. En souvenir du passé, je me réjouis de l’avoir aidé
à partir en paix bien que cela m’eût empêché d’éclaircir certains détails qui
demeureraient celés à jamais. Je dois reconnaître que cette pensée me causa une
certaine peine. Sara passa doucement la paume de sa main sur son visage pour
lui fermer les yeux. Puis elle se pencha vers lui et l’embrassa sur le front.
Elle arrangea ses vêtements, retira la paille sale et, joignant les mains,
invoqua son Dieu, Adonaï, psalmodiant de très belles prières pour le salut de
l’âme du défunt. Je priai aussi. Je regrettais que cet homme pauvre soit mort
sans le secours des sacrements de la confession et de l’extrême-onction, même
si je n’étais pas certain qu’il les eusse désirés ; pour garantir
l’inviolabilité de leurs secrets, les Templiers ne pouvaient être assistés que
de leurs propres frères.
    Nos oraisons terminées, Sara ramassa ses
affaires, et je jetai un coup d’oeil autour de moi pour vérifier que nous
n’avions laissé aucune trace de notre passage. Tôt ou tard les gardes
finiraient par s’apercevoir que leur prisonnier était mort et entreraient dans
sa cellule pour emporter le corps et le brûler. De fil en aiguille, une pensée
toute simple s’imposa brusquement : pourquoi ne voyait-on nulle part
d’objets appartenant à Evrard ? J’eus beau regarder, je ne trouvai rien
qui dénonce la présence d’un prisonnier. Il aurait dû y avoir quelque chose,
comme toujours dans n’importe quel cachot : des ustensiles, des papiers,
des biens... C’est le propre des détenus que de garder précieusement de petits
objets insignifiants mais qui ont une immense valeur à leurs yeux.
Curieusement, on avait l’impression qu’Evrard n’avait jamais habité là. Cela
n’avait aucun sens.
    — Depuis combien de temps Evrard vivait-il
enfermé dans cette cellule ? demandai-je, intrigué, à Sara.
    — Deux ans.
    — Deux ans ! Et il n’avait pas
d’affaires personnelles ?
    — Si, bien sûr, me répondit Sara en
m’indiquant une cuillère et une écuelle d’un geste de la main.
    — C’est tout ?
    Le sac à l’épaule, Sara me regarda fixement. Je
la vis hésiter, puis le doute céda la place à une certitude. Et je sus soudain
que tout n’était pas perdu.
    — La semaine dernière, murmura Sara,
Evrard, sachant qu’il allait mourir, m’a remis certains papiers qu’il gardait
cachés dans sa chemise. Il m’a demandé de les détruire, mais je ne lui ai pas
obéi... Je peux vous les montrer si vous voulez.
    Saisi d’impatience, je la pressai de rentrer au
plus vite pour pouvoir examiner ces documents et la fis courir dans les
galeries de pierre. Les coqs chantaient sur les toits quand nous sortîmes à
l’air, haletants, épuisés.
    — J’espère que je ne

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