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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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lesquels on
vit. La maladie d’Evrard sentait ces tumeurs qui dévorent le corps en
liquéfiant les viscères, et qui sortent de l’organisme en vomissements et
excréments... Evrard avait la peste et je ne lui donnais pas plus d’un jour ou
deux à vivre.
    Je m’approchai de lui, soulevai sa chemise en
lambeaux, palpai doucement son ventre gonflé et dur, en faisant bien attention
de ne pas toucher ses douloureux bubons terriblement enflammés qui recouvraient
tout son corps, de l’aine à l’abdomen, du thorax au cou en passant par les
aisselles. Ses doigts et ses orteils étaient noirs, ses bras et ses jambes
tachés d’ecchymoses, sa langue gonflée et blanche. Malgré toutes mes
précautions, ses gémissements de douleur pendant l’examen me firent comprendre
à quel point la maladie avait ravagé son organisme. Il souffrait d’une très
forte fièvre, son pouls était rapide et irrégulier, et de courts frissons
secouaient son corps par saccades.
    — Une puce a dû me piquer, me dit-il
épuisé.
    Je le recouvris et demeurai songeur. La seule
chose que je pouvais faire pour lui, c’était soulager ses douleurs avec de
l’opium comme pour l’abbé de Ponç de Riba. Mais si je lui en donnais maintenant
– j’en avais apporté dans ma sacoche –, je ne pourrais profiter des quelques
heures qui lui restaient à vivre pour l’interroger sur ce que je désirais savoir,
et conclure ainsi mon enquête. Je me trouvais confronté à un terrible dilemme.
    Les tristes gémissements du moribond résonnaient
dans le silence du cachot comme les cris déchirants d’un homme qu’on torture.
Il souffrait, et il n’y a rien de plus absurde qu’une souffrance physique
inutile qui ne sert plus d’avertissement. Cette douleur était devenue absurde
et cruelle, mais je pouvais y mettre fin.
    — Sara ! appelai-je.
    — Oui, me répondit-elle à voix basse.
    Elle se tenait juste derrière moi.
    — En avant, chevaliers, défendons
Jérusalem ! hurla soudain l’ancien Templier pris de délire. Que Jésus nous
protège ! La Vierge nous regarde du ciel, la Ville sainte nous attend,
notre temple nous attend. Ah ! je me meurs ! un cimeterre déchire mes
entrailles !
    — Sara, préparez un peu d’eau pour l’opium.
    — Sortez les livres des caves ! Ne
laissez rien dans le Temple. Rassemblez les coffres sur la place et
réunissez-vous tous dans la porte d’Al-Aqsa à la tombée du
jour !
    — C’est le délire qui annonce la mort, dit
Sara en me tendant une jatte remplie d’eau.
    Ses mains tremblaient.
    — C’est le délire de la peste. Comment
avez-vous fait pour vous protéger ?
    — Ce n’est pas la peste noire, dit-elle
d’un ton coupant, ce n’est que la peste bubonique. Vous me prenez pour une idiote ?
Même une femme simple comme moi sait qu’il suffit de ne pas toucher les bubons
et de se laver avec soin pour ne pas être infecté.
    — Le Baphomet ! Cachez le Baphomet [5] ! cria Evrard, le corps
soudain tendu comme la corde d’un arc. Ils ne doivent rien trouver, rien.
L’arche d’alliance, les livres, l’or !
    — L’arche d’alliance ! m’exclamai-je,
impressionné. C’était donc vrai, les Templiers ont l’arche d’alliance !
    — Allons, frère hospitalier, vous n’allez
pas tout de même croire ces bêtises ? me reprocha Sara, déclamant mon
identité d’un ton sarcastique.
    Il était évident qu’elle avait écouté avec
attention ma conversation avec Evrard.
    Quelques instants plus tard, les cris du malade
cessaient et sa respiration prenait un rythme mesuré. Il émettait de temps en
temps un petit gémissement comme un enfant, mais sa propre folie ajoutée à la
potion que je lui avais préparée contribuaient à l’éloigner peu à peu de la
souffrance... De la vie aussi, malheureusement.
    — Il tiendra peut-être jusqu’à demain
matin, mais ce n’est pas sûr..., déclarai-je.
    — Je sais, me répondit Sara en s’asseyant
au chevet d’Evrard allongé sur son galetas.
    Nous demeurâmes ainsi jusqu’à l’aube, veillant
le malade en silence. Ma mission était terminée. Dès que le vieux Templier
serait mort, je rentrerais à Avignon et informerais le pape que je n’avais pu
trouver les preuves nécessaires pour confirmer ses soupçons, puis je
retournerais à Rhodes poursuivre mon travail. Quant à Jonas, je faciliterais
son retour à Ponç de Riba comme il le souhaitait et laisserais le destin
s’occuper du secret de ses origines. Sa

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