Iacobus
jamais aucune preuve.
Je revis alors cette nuit qui me paraissait si
lointaine au cours de laquelle Evrard, agonisant dans le cachot du Marais,
donnait l’ordre en hurlant d’évacuer Al-Aqsa et de sauver l’arche d’alliance.
— Et vous croyez vraiment, dit Jonas
interrompant ma rêverie, que nous allons trouver dans cette chapelle quelque
chose de relatif à tout cela ?
— Non, dis-je en me levant à l’aide du
bourdon. Parmi les nombreux secrets des Templiers, celui de l’arche est
certainement le plus inviolable. Mais nous trouverons peut-être un premier
indice sur les cachettes qu’ils utilisaient.
— Mais l’arche alors ? demanda-t-il
avec entêtement.
— L’avenir se chargera sans doute de
dévoiler ce mystère.
— Mais nous ne serons plus là pour le
voir ! protesta Jonas tandis que nous avancions vers l’église.
— C’est ça le problème quand on n’est pas
immortel, on rate le futur.
J’entrai dans la chapelle par une des deux
ouvertures du cloître extérieur, et longeai son déambulatoire, octogonal lui
aussi. Je découvris alors les signes immanquables de la tradition
initiatique : l’un des chapiteaux présentait le corps d’un crucifié sans
croix entouré de quatorze apôtres ; un autre, des lions qui se faisaient face ;
un troisième, des visages sataniques. De leurs bouches jaillissaient des
plantes grimpantes formant des labyrinthes et des spirales où figurait toujours
une pomme de pin, représentation symbolique de la fécondité et de
l’immortalité. Rien de tout cela n’était nouveau pour moi. Si j’avais été un
pèlerin, et rien d’autre qu’un pèlerin, j’aurais probablement profité de la
contemplation de ces images pour méditer à leur sujet, essayant de les
déchiffrer et d’appliquer leur enseignement à ma propre vie. Mais ma vie et
celle de mon fils étaient en danger et je n’avais pas de temps à perdre.
— Regardez ! dit Jonas qui s’était
arrêté devant une des colonnes doubles dont il regardait le couronnement. C’est
la seule représentation normale que je vois dans cet étrange cloître.
Je m’approchai et observai le chapiteau.
Bartimeo l’aveugle, assis au bord du chemin, appelant à grands cris Jésus, le
suppliant de faire un miracle, était représenté sur un de ses côtés. L’autre
peignait la résurrection de Lazare : on voyait la dalle du sépulcre
s’ouvrir et Jésus donner à son ami l’ordre de sortir à la grande stupéfaction
des personnes présentes. Dessous, de minuscules cartouches de pierre
délivraient ce message laconique : Fili David miserere mi d’un
côté, et Ego sum lux de l’autre.
« Bien, me dis-je, voilà au moins quelque
chose. »
Je pénétrai alors à l’intérieur de la chapelle
par la porte nord. Tout le programme de l’initiation secrète était exposé aux
yeux du visiteur dans une large frise qui donnait sur les arcades. Cela ne
m’étonna pas du tout. Il était très difficile d’interpréter les mystères sans
l’aide d’un maître ; seuls quelques-uns y étaient parvenus pour aller
ensuite très loin dans l’étude de la connaissance mystique. La frise utilisait
une symbolique cryptique – les paroles de sagesse auront toujours besoin
d’interprètes. Les initiés pouvaient comprendre aisément ce qui s’y disait et
d’autres tenter d’y parvenir avec suffisamment d’assiduité. J’en déduisis que,
d’une certaine façon, le chemin de Compostelle, le chemin de la Voie lactée,
était organisé pour assister ces personnes capables d’atteindre l’initiation
par elles-mêmes. Tâche difficile, oui, mais pas irréalisable.
— Que signifient toutes ces images ?
— Quelles images ?
— Ces têtes appuyées les unes contre les autres,
par exemple.
— Elles symbolisent la transmission
rationnelle de la connaissance. C’est la première phase de l’initiation.
— Et ces chimères et sirènes avec des
queues de dragon ?
— La douleur et la peur de l’homme face au
danger et à l’inconnu.
— Et pourquoi ces monstres ont-ils une
fleur dans le ventre ?
— Parce que perdre la peur libère l’homme
et lui permet d’atteindre la vérité.
— Pourquoi cette silhouette à capuche porte-t-elle
un enfant dans les bras ?
— Parce que l’enfant vient de naître après
être mort.
— Et cette femme nue enroulée autour d’un
serpent ?
— C’est la déesse mère du monde, la Magna
Mater, la Terre. Souviens-toi, je
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