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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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la salle.
    Là, sous un chapelet de charcuteries diverses
mises à sécher, un bras maigre et nu s’agitait, nous faisant signe d’approcher.
Je mis un certain temps à reconnaître son propriétaire, mais peu à peu ses
traits me devinrent familiers et je réunis enfin nom et visage. Enfin,
« nom » c’est beaucoup dire. Car il s’agissait de Personne, le vieil
homme de l’hôpital Sainte-Christine. Il nous offrait à grands gestes une place
à ses côtés.
    Je parvins à me frayer un passage à coups de
coude. À chaque pas nous répondaient les grognements d’un tas d’ivrognes.
    — Seigneur Galcerán ! s’écria le vieil
homme quand nous fûmes à ses côtés. Garcia, cher garçon ! Quelle joie de
vous retrouver !
    — Comment avez-vous fait pour arriver avant
nous, grand-père ? lui demanda Jonas plein d’admiration alors que nous
prenions place.
    — J’ai fait une partie du trajet dans le
chariot de Bretons qui étaient pressés d’arriver à Santiago. Moi, je suis resté
ici pour me reposer. À mon âge, les excès sont interdits.
    — C’est drôle, on ne s’est pas croisés.
    — Je sais, et pourtant je vous ai cherchés.
Mais ces Bretons aimaient aussi voyager de nuit. Vous deviez être dans une
église ou endormis près d’un sentier.
    — C’est possible, convins-je de mauvaise
grâce, donnant quelques coups de poing sur la table pour attirer l’attention de
la serveuse.
    — Alors, jeune Garcia, avez-vous vu
beaucoup de choses remarquables depuis que nous nous sommes quittés ?
    — Oh ! oui, grand-père, j’ai vu et
appris des tas de choses.
    — Raconte, raconte-moi tout, j’ai si envie
de savoir.
    Ces paroles magiques ouvrirent les vannes de la
logorrhée de Jonas toujours sur le point d’exploser. Je craignis un instant
qu’il ne parle trop, mais heureusement Jonas sut se montrer raisonnable. Il
relata notre voyage, accompagnant le récit de ses propres réflexions
personnelles et se lança dans les détails épuisants de sa future carrière comme
chevalier du Graal. Entre-temps la serveuse nous apporta à boire, pour moi un
grand verre d’un vin du cru excellent, et de l’orgeat pour Jonas. Puis je me
perdis dans la contemplation de la foule qui nous entourait.
    Cela faisait déjà un certain temps qu’un groupe
de pèlerins français chantaient à tue-tête quelques joyeuses romances en langue
provençale, marquant le rythme de coups de cruche sur la table, tapant des
mains et sifflant. Au début, dans le brouhaha, je ne pus distinguer les
paroles. Mais quelque chose, je ne saurais dire quoi exactement, me fit tendre
l’oreille. Mon sang se glaça dans mes veines en entendant parler d’une Juive
française se dirigeant vers Burgos et qui avait repoussé les avances de ses
compagnons de voyage désireux, disait la ritournelle, de compter une par une
les innombrables taches de rousseur qui couvraient son corps. Ils finirent par
la laisser tranquille car ces pèlerins ne voulaient pas commettre de péchés,
mais la fin de la chanson révélait que la Juive était une magicienne qui les
avait menacés d’un mauvais sort s’ils insistaient.
    Je donnai un coup de coude à Jonas qui se tourna
vers moi, surpris.
    — Écoute, lui ordonnai-je sans égard.
    Les Français avaient repris leur chansonnette,
ponctuée d’éclats de rire, et comme les vers étaient simples à apprendre,
d’autres les reprenaient avec eux. Jonas les écouta puis me regarda.
    — Sara ! s’exclama-t-il tout excité.
    — C’est sûr.
    — Qui est Sara ? demanda Personne sans
cacher sa curiosité.
    — Une amie que nous avons laissée il n’y a
pas très longtemps à Paris.
    — Si la chanson dit vrai, je pense qu’elle
n’y est plus, dit le vieil homme d’un ton amusé.
    J’ignorai sa remarque, absorbé par la chanson
d’amour.
    — Je vais aller me renseigner !
s’exclama Jonas en se levant.
    — Il vaut mieux que j’y aille, dis-je en
l’obligeant à s’asseoir. Ils vont se moquer de toi.
    Je me frayai un passage jusqu’au groupe de
pèlerins chanteurs. Je me penchai vers l’oreille sale du gros homme qui
semblait donner le branle. Il m’écouta, m’examina longuement, puis éclata de
rire et, faisant un geste de la main à ses compagnons, se leva et m’emmena dans
un coin plus tranquille.
    — En effet, me confirma-t-il avec un
sourire, la fille de la chanson s’appelle bien Sara. Elle nous a quittés hier
pour rejoindre un groupe de Juifs qui se

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