Iacobus
la Pedraja commençait la descente. Avec le soleil au zénith, nous fîmes
halte à l’hôpital de Valdefuentes, authentique paradis destiné au repos des
voyageurs avec une source d’eau fraîche qui fit nos délices.
Un groupe de pèlerins, qui venaient d’Autun en
Bourgogne, animaient l’extérieur de l’hôpital de leurs plaisanteries et
divertissements bruyants. Je leur demandai conseil sur le chemin à prendre car
la chaussée se divisait pour se réunir plus tard à Burgos.
— Nous prendrons demain la voie de San Juan
de Ortega, nous dit un homme appelé Guillaume, parce que c’est la route que
recommande notre compatriote Aymeric Picaud.
— Nous aussi, nous avons suivi ses
indications jusqu’à maintenant.
— Sa renommée est universelle, commenta
Guillaume, tout fier. Si vous vous mettez en marche rapidement, vous arriverez
à San Juan de Ortega avec une très bonne lumière. L’auberge du monastère est
fameuse pour son excellente hospitalité.
Il avait bien raison, ce jeune Bourguignon.
Après avoir franchi un sentier étroit qui traversait le bois, l’abside de
l’église apparut. Nous en fîmes le tour pour arriver sur une place. À droite se
trouvait un hospice où nous fûmes accueillis avec cordialité par un vieux moine
sympathique chargé de recevoir les pèlerins. Il aimait la conversation et se
montrait enchanté d’écouter les aventures de tous ceux qui arrivaient dans son
domaine. Il déposa d’abondantes nourritures sur la table et s’offrit à nous
faire visiter l’église et le sépulcre du saint une fois notre repas terminé.
— San Juan de Ortega s’appelait Juan de
Quintanaortuno et naquit en l’an 1080, nous expliqua-t-il à Jonas et à moi,
tandis que nous nous dirigions vers les deux portes jumelles de la façade
principale.
Sara, indifférente à notre ferveur chrétienne,
était restée se reposer au refuge.
— Les gens le considèrent comme un simple
disciple de santo Domingo de la Calzada qui est surtout connu pour avoir
défriché, avec une simple faucille de moissonneur, le sentier entre Najera et
Redecilla, ouvrant cette partie du Chemin.
Son ton indiquait que cette prouesse était peu
de chose à ses yeux.
— Mais Jean de Quintanaortuno fut bien plus
qu’un simple disciple. Il fut le véritable architecte du Chemin. Il édifia un
pont sur le fleuve Oja, leva une église et un hôpital de pèlerins, construisit
le pont de Logrono, reconstruisit celui du fleuve Najerilla, édifia l’hôpital
de Santiago de cette ville ainsi que cette église et ce refuge pour les
Jacquets.
Nous étions alors entrés dans le petit
sanctuaire, faiblement éclairé par la lumière que filtraient les vitraux des
fenêtres. Le bourdonnement des mouches dans les hauteurs de la nef centrale
couvrit la voix du moine. Le cénotaphe de pierre finement ciselé était situé
face à l’autel. Le moine nous entraîna vers un côté.
— Beaucoup de femmes stériles viennent
prier ici, nous apprit-il. San Juan doit sa popularité à ses miracles de
fertilité. Et la faute en revient à ce fichu décor, dit-il en indiquant le
chapiteau que nous avions au-dessus de nos têtes sur lequel étaient
représentées les scènes de l’Annonciation et de la Nativité. Mais je pense que
notre saint mérite une plus grande célébrité et je suis en train de préparer un
ouvrage sur les nombreux miracles qu’il a faits en guérissant des malades et
ressuscitant des morts.
— Il a ressuscité des morts ?
— Oh oui ! Il a rendu la vie à plus
d’un malheureux.
Cela ne pouvait être le fruit du hasard !
D’ailleurs, il y avait longtemps que j’avais cessé de croire au hasard. Un
rayon de lumière provenant de l’ogive centrale du transept illumina soudain la
tête de l’ange qui annonçait sa future maternité à Marie. Je demeurai bouche
bée.
— Il est joli, c’est vrai, observa le vieux
moine en remarquant mon air absorbé. Mais moi, je préfère l’autre, celui de
droite.
Et il nous y conduisit d’un pas pressé. Jonas le
suivait comme un petit chien esquivant le mausolée par un virage aussi rapide
que celui de notre mentor. Le sommet de la colonne de l’abside représentait un
guerrier, l’épée levée, face à un cavalier. Mais je continuais à être obsédé
par l’autre scène. Quelque chose faisait son chemin dans mon esprit. Je pivotai
soudain sur mes talons et retournai sur mes pas. Le rayon de soleil éclairait
Marie maintenant. Je calculai
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