Il était une fois le Titanic
père Thomas Byles.
En route vers le destin
La journée, qu’entrecouperaient les repas, serait rythmée par diverses occupations personnelles ou collectives. D’aucuns se rendraient au gymnase installé sur le pont des embarcations, d’autres à la piscine ou, comme le colonel Archibald Gracie, passeraient de longues heures à lire dans leur cabine ou dans les salons, où l’on aurait par ailleurs l’autorisation exceptionnelle de jouer aux cartes. Le jour du Seigneur, en effet, la législation britannique interdisait qu’on s’y adonnât. Mais la compagnie dérogeait régulièrement à cette règle que ses passagers tenaient pour une atteinte à leur privilège. Plus tard, quelqu’un émettrait l’idée d’organiser un défilé canin, car le navire accueillait une dizaine de chiens de toutes races que leurs propriétaires ou des domestiques promenaient sur les ponts-promenades comme à la ville. L’idée recueillit tous les suffrages et le concours fut décidé pour le lendemain.
Malgré toutes ces initiatives, rapporte Archibald Gracie, « les jours se ressemblaient tellement à bord qu’il était difficile de distinguer tous les détails de la journée ». Après avoir joué au squash avec le moniteur Fred Wright, le colonel alla se baigner, puis se rendit au déjeuner. Mais c’est en compagnie d’un couple de passagers américains qu’il devait passer le plus clair de son temps ce dimanche-là : Isidor et Ida Straus, propriétaires du Macy’s, magasin new-yorkais qui passait pour être le plus grand du monde. C’est avec émotion qu’il s’en souviendra dans ses mémoires : « Du début à la fin du voyage, nous passâmes de longs moments ensemble, nous retrouvant plusieurs fois par jour 135 . » Ce 14 avril, Isidor Straus termina quant à lui la lecture d’un ouvrage 136 sur la guerre de Sécession dont le colonel, sorti de l’Académie militaire de Westpoint, était
l’auteur. Et leur discussion porta tout naturellement sur son contenu historique.
Il était 13 h 45 lorsque les Straus purent entrer en communication avec leur fils et son épouse, qui voyageaient à bord de l’ Amerika . Le navire, qui croisait non loin du Titanic , avait par ailleurs mis en garde le transatlantique de la White Star Line contre les icebergs dérivants qu’il avait rencontrés sur sa route, par 41° 27’ nord et 50° 08 ouest, venant de New York. Mais les opérateurs Phillips et Bride ne l’avaient pas fait parvenir à la passerelle, surchargés qu’ils étaient à ce moment-là par la transmission des messages personnels.
La TSF du Titanic , avec une puissance de 1,5 kilowatt, était l’appareil le plus performant jamais embarqué. Si de jour il pouvait émettre jusqu’à 1 000 milles, il était possible de doubler sa portée pendant la nuit. Mais cette particularité avait un inconvénient majeur : « La transmission et la réception des messages étaient assurées par des fréquences standard extrêmement voisines, avec deux, trois messages ou plus émis ou reçus en même temps. Une grande partie de l’habileté de l’opérateur consistait donc à être capable de reconnaître et de choisir le message particulier adressé à sa station. Pour l’aider, chacune d’elles avait un indicatif d’appel distinctif sous forme de lettres. À quelques exceptions près, les indicatifs des navires britanniques commençaient généralement par un M , ceux des bâtiments allemands par un D , et ceux des navires militaires américains par un N . Pour le Titanic , c’était MGY 137 . »
L’avertissement de l’ Amerika n’était pas le premier que reçurent les opérateurs Phillips et Bride. À 9 heures, le Caronia notifiait à tous les navires, qui faisaient route sur le 43 e parallèle et s’apprêtaient à franchir les 50° de longitude ouest, qu’il venait de traverser une zone particulièrement dangereuse. Curieusement, le Titanic attendit près de trois quarts d’heure avant de lui répondre laconiquement
qu’il avait pris connaissance de son message. Sans autre commentaire. Deux heures plus tard, alors que le paquebot de la Cunard réitérait ses recommandations, le Noordam diffusait un message identique en insistant sur le fait qu’il n’avait pas connu pire situation depuis des années.
Il était près de midi. À 13 h 40, le Baltic confirma les informations lancées par le Caronia . La teneur en était la suivante : « Avons eu des vents modérés variables et du beau
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