Il était une fois le Titanic
tentèrent d’en faire autant. Ils s’appelaient William Denton Cox ou Albert Victor Pearcey. Et Gérard Piouffre de préciser que « c’est principalement à ces hommes courageux que cent soixante-quatorze passagers de la troisième classe, dont cent cinq femmes et enfants, devront d’avoir la vie sauve 188 ».
En réalité, si l’évacuation du navire ne répondait à aucune organisation, la White Star Line, contrairement à certaines allégations, n’a jamais donné d’ordre visant à tenir à l’écart les émigrants des entreponts qui cherchaient à s’extraire du
piège où ils se trouvaient au moment de l’accident. Certains comportements, fort justement incriminés, furent la conséquence d’un zèle personnel. Ainsi, tandis qu’il enfonçait la porte d’une cabine pour en faire sortir un passager pris de panique qui refusait d’ouvrir, le joueur de tennis William Norris essuya-t-il les vifs reproches d’un steward qui menaça de le dénoncer pour dégradation de propriété…
Certaines situations, plus scandaleuses, ne prêtent guère à sourire. Un certain Daniel Buckley, passager de l’entrepont, a ainsi rapporté à Walter Lord qu’étant arrivé devant une porte donnant sur la première classe, l’homme qui le guidait avec une dizaine d’autres passagers dans leur course contre la mort avait été brutalement repoussé par un membre d’équipage… au motif que cette partie du navire leur était interdite !
Ceux qui souffrirent nommément de cette discrimination officieuse de la part du personnel de la compagnie furent les ressortissants « méditerranéens » dans leur ensemble. Généralement détestés par l’opinion britannique, ils vont offrir à la catastrophe son plus lourd tribut.
Il était 0 h 25 lorsque commença l’embarquement dans les chaloupes. Il y avait de la place pour mille cent soixante-dix-huit personnes à leur bord. Plus de mille d’entre elles étaient donc mathématiquement promises à la mort. Ou déjà mortes.
8
LA SENTENCE
Au moment où le commandant Smith donna le signal d’abandon, les lieutenants Murdoch et Lightoller étaient à leur poste pour diriger la manœuvre.
William McMaster Murdoch était un habitué de la ligne. Sa grande expérience transatlantique et son habitude des paquebots de la White Star Line l’avaient naturellement désigné comme second capitaine de la croisière inaugurale. Mais on sait qu’au départ de Southampton Edward John Smith lui avait préféré Henry Wilde. Lorsque la vigie avait signalé la présence de l’iceberg, c’était lui qui était de quart à la passerelle. Et les ordres qu’il avait donnés à la machine, puis au timonier, étaient en train d’envoyer le navire par le fond ! Cette terrible réalité torturait sa conscience.
La question de savoir ce qui le conduisit à prendre la décision de stopper les moteurs à cet instant crucial est encore sur toutes les lèvres. Pourquoi ne renversa-t-il pas la vapeur et ne donna-t-il pas l’ordre de garder le cap sur l’obstacle, plutôt que de virer de bord ? Il savait pourtant qu’à 20 nœuds le géant d’acier n’avait aucune chance de l’éviter, tandis qu’un choc frontal pouvait sauver le navire s’il freinait son allure. Plusieurs exemples avaient corroboré cette thèse par le passé, et chaque fois le navire était resté à flot, quoique fortement endommagé. Les compartiments étanches avaient fait leur office en empêchant l’eau
de pénétrer à l’intérieur de la coque au-delà des tôles éventrées. Les architectes les avaient d’ailleurs conçus dans cette perspective en les plaçant perpendiculairement à la coque, car il était rare qu’un abordage se produise par le travers. Lors de l’impact, l’eau pouvait donc pénétrer dans deux ou trois caissons sans que le navire gîte au point de provoquer l’inondation générale qui était en train de condamner le Titanic .
Pour quelles mystérieuses raisons Murdoch avait-il fait donner à bâbord toute ? Sans doute avait-il été victime d’un réflexe instinctif. Tout s’était enchaîné si vite. Comprenant son erreur, il avait aussitôt fait abattre à tribord afin d’éviter un second choc sur l’arrière du bâtiment. Mais les saillies de glace immergée avaient eu raison de la coque sous la ligne de flottaison 189 .
Les experts maritimes devaient disculper William Murdoch en affirmant qu’il avait agi conformément à l’usage, qui exige d’un
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