Il était une fois le Titanic
lord Mersey, il apparaît à ses yeux que la disparition du Titanic fut le résultat de sa collision avec un iceberg à la suite de la vitesse excessive à laquelle le paquebot naviguait. » Par ailleurs, si le capitaine Smith n’avait pas réduit la vitesse lorsqu’il se trouvait de nuit dans une zone où l’on
pouvait s’attendre à la présence de glaces, c’était en raison de la pratique en usage chez les commandants de paquebots de ne pas ralentir du moment que le temps est clair. En conséquence, la commission se trouvait dans l’impossibilité de blâmer son comportement. Elle contredisait donc ouvertement les attendus des sénateurs américains. Pour autant, elle ne pouvait faire moins que de recommander aux commandants de paquebots de changer leurs habitudes bien qu’elle continuât de justifier leur attitude par la faute « des passagers qui demandent à raccourcir toujours davantage le temps de la traversée » ! Les experts britanniques expliquaient enfin que si certains messages radiotélégraphiques n’avaient pas été remis à la passerelle, « cet incident n’avait pas eu d’influence sur la navigation ». Pas plus que la présence de Joseph Bruce Ismay à bord du Titanic n’avait altéré l’autorité de son commandant.
Pour mettre un terme officiel à la polémique sur le directeur de la White Star Line, lord Mersey insista sur le fait que sa position à la tête de la compagnie « n’imposait pas l’obligation morale de demeurer à bord jusqu’à la disparition du navire ». S’il n’avait pas sauté dans le radeau de survie, on aurait simplement déploré la perte d’une vie supplémentaire. L’avocat de la White Star Line, sir Robert Finlay, avait déjà fait valoir cet argument : si Joseph Ismay avait été poussé à se suicider, « on aurait conclu qu’il aurait sombré avec son navire pour éviter de s’expliquer ». Il n’y avait donc pas non plus de remarque défavorable à formuler sur sa conduite. De même avait-il fait tout son possible pour prêter assistance aux femmes et aux enfants. « Il n’a donc violé aucun point d’honneur, et s’il avait choisi de perdre la vie, comme il a été suggéré, on dirait aujourd’hui qu’il avait préféré mourir plutôt que d’affronter cette enquête 275 . »
Ce fut un beau plaidoyer, un morceau de bravoure dialectique en forme de réhabilitation. Pour autant, victime de son propre rôle, Joseph Bruce Ismay ne se départira jamais
de l’image de coupable repentant qu’il avait donnée de lui dès son arrivée sur le Carpathia . Quels que fussent les arguments que l’on pouvait opposer pour sa défense, il admettait, par son attitude même, les reproches qu’on lui adressait. Sa conscience était sans doute son plus féroce ennemi.
L’heure des comptes
Il restait encore à prendre connaissance des recommandations que les experts des deux rives de l’Atlantique avaient formulées aux armateurs, aux constructeurs et plus encore aux autorités de tutelles de la Marine de commerce, qui publiaient les cahiers des charges et délivraient les certificats de navigation. Ne fût-ce que pour justifier les 100000 dollars que les commissions d’enquête avaient coûté aux contribuables américains et britanniques 276 .
Pour autant, ce procès du modernisme et du progrès ne devait guère entraver le développement de la construction navale. Le France , dont le voyage inaugural eut lieu cinq jours seulement après le naufrage du Titanic , ne souffrit nullement de la tragédie qui venait de frapper son plus prestigieux rival, pas plus que la nouvelle génération de paquebots que l’Allemagne s’apprêtait à mettre en service sur la ligne de New York ne vit diminuer sa clientèle. Non que celle-ci ne fût pas attentive aux offres des compagnies, en matière de confort mais surtout en ce qui regardait la sécurité. Mais la culture et la nécessité des voyages gommaient ses atermoiements.
Pour donner à tout le monde une chance de monter à bord d’un canot de sauvetage, Walter Lord a calculé que les navires de la classe « Olympic » auraient dû emporter quatre-vingt-dix chaloupes 277 . Et de rappeler qu’il ne s’agissait pas d’un problème spécifiquement britannique,
puisqu’en moyenne seuls 50 à 55 % des passagers d’un paquebot étaient généralement en mesure de trouver place dans les embarcations prévues à cet effet. La Provence , de la Compagnie générale transatlantique, se
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