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Il était une fois le Titanic

Il était une fois le Titanic

Titel: Il était une fois le Titanic Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: G.A. Jaeger
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le nombre insuffisant d’embarcations de sauvetage et le manque d’entraînement de l’équipage aux postes d’abandon. Elle blâmait ensuite le commandant Smith, qui n’avait pas tenu compte des messages adressés par les navires qui traversaient la zone des icebergs et avait négligé l’exercice d’évacuation prévu le matin du naufrage. Enfin, il apparut aux sénateurs qu’il avait donné l’ordre d’évacuer le navire bien trop tard, au moins vingt minutes après la collision selon certains témoins.
    La White Star Line n’échappait pas non plus aux fourches caudines du rapport Smith, qui l’accusait de ne pas avoir annoncé le naufrage du Titanic dans les temps que requérait la plus élémentaire morale et d’avoir induit
le public en erreur sur l’importance de la tragédie. Au terme de quoi, une vive pique était adressée au ministère britannique du Commerce pour le caractère désuet de ses règlements, qui avaient coûté la vie à des centaines de citoyens américains.
    Comme il se doit, la presse unanime se réjouit de ce dénouement. Les journaux commentèrent les attendus et leurs colonnes furent ouvertes au courrier des lecteurs. Comme on peut l’imaginer, il ne se trouva personne pour prendre le contre-pied des experts et même le public le plus averti s’abandonna au lynchage collectif. Ainsi de l’amiral Chadwick, héros de la guerre d’Indépendance, auquel le New York Evening Post avait demandé son point de vue de marin. « Le Titanic , écrivit-il, a bien été perdu en raison d’une navigation imprudente. Marchant à pleine vitesse, bien qu’ayant été prévenu, son commandant s’était mis dans une situation dangereuse qui aurait pu être évitée 273 . » Il concluait que, le Titanic s’étant trouvé en de mauvaises mains, il ne pouvait y avoir d’issue favorable à son voyage ! Le Washington Post , quant à lui, donna la parole à l’amiral Dewey, dont l’autorité ne pouvait être mise en doute en raison de ses années passées en mer. Reprenant à son compte le couplet du scandale qui avait conduit l’armement britannique à sacrifier des vies humaines sur l’autel de la rentabilité, il scellait un peu plus encore l’image que l’Amérique souhaitait faire accréditer. Se posant en victime, elle s’érigeait en justicier.
    La loi Harter de 1898 autorisant les victimes d’un naufrage à se retourner contre l’armateur en cas de négligence avérée pouvait maintenant s’appliquer. Les conclusions de l’enquête sénatoriale rendaient leurs plaintes recevables et leur permettaient d’engager des actions en dommages et intérêts. C’est ainsi que l’on verra nombre de plaignants revendiquer toutes sortes de compensations pour préjudice moral et tort financier. Certains, n’obtenant pas
satisfaction aux États-Unis, tenteront de se porter partie civile en Grande-Bretagne.
    Si la demande d’indemnisation demandée par la veuve d’un producteur de théâtre de Broadway, Henry B. Harris, à hauteur d’un million de dollars, était dans la nature des choses aux États-Unis, des réclamations plus extravagantes et plus immorales s’entassèrent sur les bureaux des avocats et des assureurs. Ce fut notamment le cas de l’héritière d’un milliardaire de Philadelphie, Charlotte Drake Cardeza, qui déposa une demande de plus de 177000 dollars pour la perte de ses bagages. Mauritz Björnström-Steffansson, qui avait perdu une toile du peintre Blondel, La Circassienne au bain , estima quant à lui son préjudice à 10000 dollars. Et William Carter présenta une facture de 5 000 dollars correspondant à la perte de son automobile. Ils ne furent pas les seuls à tenter de récupérer quelque argent, bien qu’ils eussent la vie sauve. Des demandes affluèrent aussi de rescapés de la troisième classe, mais les sommes restaient modiques et généralement proportionnelles aux pertes qu’ils revendiquaient : ainsi fut demandé le remboursement d’une cornemuse à 50 dollars, ou celui d’une machine à marmelade…
    Deux mois après la publication du rapport sénatorial, la commission Mersey donnait lecture de ses propres attendus. À cette occasion, une foule immense s’était rassemblée à Buckingham Gate. Le public britannique était impatient d’en connaître les conclusions. En voici quelques extraits, tirés des soixante-quatorze pages du rapport 274 . « La cour ayant soigneusement enquêté sur les circonstances du naufrage, explique

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