Il fut un jour à Gorée
courait jusqu’à l’avant du vaisseau où le cuisiner faisait cuire le bouillon. Il s’empara de la chaudière et la versa, brûlante et fumante, sur les insurgés. Ébouillantés à bâbord, canardés à tribord, les Noirs ont finalement reculé, certains n’ont pas hésité à se jeter à la mer.
En 1751, le navire l’
Avrillon,
parti de La Rochelle, a gagné Gorée pour charger dans ses flancs une cargaison de 500 guerriers wolofs, un valeureux peuple du Sénégal. Le capitaine fît retirer les chaînes à quelques-uns d’entre eux afin de les utiliser à la manœuvre des voiles. Mal lui en prit ! Les captifs à peine délivrés de leurs entraves ont libéré leurs compagnons d’infortune, attaqué les matelots et tué plusieurs d’entre eux. Les rescapés, réfugiés à l’arrière du navire, munis de fusils, tiraient sur les guerriers qui tentaient de manœuvrer le navire. Sur le pont, la foule de Noirs célébrait déjà sa victoire… Mais le lieutenant, parvenant jusqu’aux canons, fit feu à bout portant sur les révoltés. Ce jour-là, 230 Noirs, morts ou mourants, furent jetés à la mer. Soumis et terrorisés, les survivants sont rentrés silencieusement dans les cales.
En fait, si l’on connaît le récit de plusieurs révoltes, on sait aussi qu’elles étaient vouées à l’échec. Il arriva pourtant que les Noirs parviennent à prendre possession du navire après avoir tué tous les matelots et tous les officiers du bord. Mais ensuite, que pouvaient-ils faire ? Nul parmi les Africains ne savait manier ces lourdes caravelles qui exigeaient une parfaite connaissance des vents et une totale maîtrise du pilotage… Alors, le navire errait à l’aventure jusqu’à ce que la famine finisse par terrasser les révoltés. Ce n’était plus qu’un bateau fantôme, plein de cadavres, qui se laissait guider par les courants et achevait bien souvent sa course en s’écrasant contre des rochers.
Dans sa nouvelle
Tamango
, l’écrivain Prosper Mérimée racontait en 1829 le périple d’une de ces caravelles vagabondes…
« Les Noirs ne savent pas manœuvrer le navire. En une fausse manœuvre, ils rompent les deux mâts. Pris de panique, ils se jettent dans les chaloupes de sauvetage. Trop chargées, elles chavirent. Les rares survivants qui parviennent à regagner le navire mourront dans les jours qui suivent. Quelques semaines plus tard, un navire anglais qui croise dans ces eaux aperçoit sur la mer un vaisseau errant sans direction, sans mâts, sans voilure… »
Birago s’assombrit à mon récit. Il n’existe donc pas un seul exemple de révolte réussie ?
Si. Un seul. C’était en 1839. L
’Amistad
était un navire espagnol qui transportait une cinquantaine d’esclaves entre deux ports cubains. Sous la conduite d’un chef courageux nommé Sinbé, les Noirs, récemment déportés d’Afrique, tentèrent de s’emparer du bateau en espérant ainsi pouvoir retourner sur leur continent. Ils tuèrent le capitaine et le cuisinier puis s’emparèrent du navire. Faisant alors voile vers l’Afrique, l’
Amistad
fut arrêté dans sa course par un navire américain. Les esclaves en fuite furent amenés aux États-Unis et jugés pour piraterie ! À cette époque, les mentalités commençaient à changer et de nombreuses voix se faisaient déjà entendre à travers le monde pour abolir définitivement l’esclavage.
Ceux que l’on appelait les « abolitionnistes » sont venus au tribunal plaider la cause des Noirs déportés. Et ils ont fini par triompher. Les rebelles, jugés innocents, ont pu regagner l’Afrique.
Rachida s’angoisse à l’idée de ces périples interminables. Il n’y avait aucune escale sur leur route ?
Si. Parfois… Le bateau parti pour le long itinéraire du « commerce triangulaire » perdait bien souvent des cordages, des voiles ou des mâts en cours de route. Il fallait trouver un port suffisamment équipé pour effectuer les réparations et acheter le matériel manquant. On offrait alors au navire, à l’équipage et à la cargaison une « escale de rafraîchissement ». Même l’équipage blanc avait besoin de ce répit. Les hommes étaient durement éprouvés par leur campagne négrière, ils se trouvaient épuisés, brûlés par le soleil, battus par les vents, trempés par les pluies. Quant aux officiers, ils avaient connu une activité incessante depuis leur départ d’Europe.
En général, cette halte se faisait à Sâo
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