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Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph N’Diaye
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Tomé, une île au large du golfe de Guinée. Là, ils rencontraient le calme, trouvaient de l’eau fraîche et de la nourriture fortifiante. Les malades, Noirs et Blancs confondus, se refaisaient une santé grâce à d’épais bouillons de volaille.
    Les esclaves se remettaient un peu de l’enfermement à fond de cale. Ils étaient parqués à l’air libre, dans des enclos plus vastes, et reprenaient des forces en buvant du lait de noix de coco, en mangeant des crabes ou des tortues séchées. Et le voyage reprenait…
    Avant d’arriver à destination, certains capitaines, soucieux de proposer aux acheteurs une marchandise en bonne condition, faisaient encore une brève escale en Guyane, sur les côtes de l’Amérique du Sud.
    En 1756, le navigateur français Guillaume Dufresne, capitaine de la
Perle
, s’arrêta sur ces rives. Il décida de remettre en état sa cargaison sans regarder à la dépense. Ce n’était nullement par pure humanité. Il s’agissait de présenter au marché de Saint-Domingue une marchandise épanouie !
    On passa en Guyane un peu plus de deux mois d’été et les six cents Noirs furent nourris de cassaves, d’ignames, de riz et de maïs. Assez pour rendre un soupçon d’espoir à des êtres abattus par le malheur. Dans ses livres de bord, le capitaine faisait fièrement état des dépenses engagées : 1830 livres, soit un denier par « Nègre » et par jour ! Finalement, le calcul était bon, le capitaine Dufresne est parvenu à écouler sa cargaison pour une somme de 1500 livres par tête. Un record !
    De toute façon, même si l’on ne faisait pas cette halte au bout du voyage, il fallait procéder à l’opération dite du « blanchissement ». Sous ce terme ironique se cachait la procédure qui avait pour objectif de rendre l’esclave plus présentable pour la vente à venir. Le médecin du bateau connaissait l’art et la manière de cacher les blessures ou les défauts physiques. Les cheveux des esclaves étaient coupés, les barbes taillées, les corps enduits d’huile de palme. Juste avant le débarquement, on s’efforçait de rendre la marchandise attrayante !

III
LE GRAND MARCHÉ
    Le bateau s’arrête. Il fait halte dans un port inconnu. Un matelot vient asperger d’eau salée les femmes et les enfants. Il leur fait boire, encore une fois, quelques gorgées de vinaigre… Il paraît que cette potion au goût aigre et qui pique la langue éloigne – aussi – les esprits mauvais.
    Sous les coups de fouet, Ndioba débarque en serrant dans sa petite main la main de sa maman. On les pousse. On les presse. Le soleil écrase la terre de sa chaleur. La petite fille lève les yeux vers le ciel. Dans cette lumière violente, elle pourrait se croire encore en Afrique. Mais les hommes qui l’entourent ne sont pas les chasseurs de son village à la face noire et au regard bienveillant. Ce sont des Blancs au visage dur, qui parlent un langage qu’elle ne comprend pas.
    Ndioba n’a jamais vu autant d’hommes blancs. Ils portent sur la tête un large chapeau de paille et tiennent un bâton à la main. Certains ont le visage enfoui sous une barbe foisonnante qui les rend plus effrayants encore.
    Sans lâcher la main de sa maman, elle arrive dans une maison immense. La pièce où elle pénètre n’a rien à voir avec les cellules de Gorée ou les cales du bateau. Elle est large et haute, on peut aisément s’y tenir debout !
    Il y a là un groupe de Noirs, des hommes entièrement nus. Autour d’eux s’agite une foule de Blancs. Ndioba fixe son regard sur un jeune Africain. Elle s’effraye de ses yeux éteints, indifférents, fatigués. Elle aussi a-t-elle maintenant cette mine soumise ? Des Blancs passent devant le jeune homme, lui tâtent le ventre, lui palpent les bras, retroussent ses lèvres pour contempler ses dents… Et le Noir, traité comme la vache laitière du village, reste impassible. Mais que pourrait-il faire ?
    Des bras puissants hissent soudain Ndioba sur une estrade. À côté d’elle, un Blanc parle d’abondance, il manie son bâton, le pose sur ses épaules, sur ses jambes, sur ses mollets… Et il parle, il parle. Il lève les bras, fait retomber son bâton et poursuit son interminable discours. La fillette ne comprend rien. Elle ne savait pas que l’on pouvait autant parler.
    De toute façon, pour Ndioba, tout paraît mystérieux. Pas seulement les mots. Les gestes aussi, et le sens de ce rassemblement, et la taille de cette grande

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