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Il neigeait

Il neigeait

Titel: Il neigeait Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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large tranchée pour contenir la foule. Le capitaine
et sa brigade se rangèrent à la suite de la Vieille Garde. Caulaincourt donnait
ses instructions aux cochers :
    — Roulez le plus doucement possible, gardez entre vous
une distance, il ne faut pas fatiguer le pont.
    — On en a pour des heures !
    — Nous avons la soirée et la nuit.
    Une calèche s’engagea sur le tablier de sapin. On retenait
son souffle, on prêtait l’oreille aux craquements du bois, puis une berline
roula à son tour sans dommage. Caulaincourt laissait filer de part et d’autre
des voitures les fantassins de la Garde. Ils durent bientôt allumer des
flambeaux, et longtemps ils traversèrent la Bérésina avec des aspects de
cortège funèbre. Dans la plaine, les désorganisés s’étaient résignés, ils
posaient leurs campements autour de chars enflammés.
    En levant sa torche contre la vitre d’une calèche, le
capitaine aperçut son domestique et il en parut rassuré. Ce brave Paulin… Après
tout, ils ne s’en sortaient pas si mal, dans peu de jours ils se reposeraient à
Vilna, une ville prospère où chacun pourrait dépenser ses pièces et ses
lingots. L’armée russe que Bassano croyait menaçante s’était éloignée. Elle
devait grossir les forces de Koutouzov. D’Herbigny allait donc monter sur le
pont lorsque la voiture qui le précédait flancha ; une roue avait traversé
les planches. Des pontonniers qui veillaient sur les radeaux accoururent
consolider le tablier. Le cocher et des fantassins soulevèrent la voiture et la
dégagèrent.
    Par prudence, les soldats guidaient les équipages à la main,
cela réglait leur allure et prévenait les accidents. Les voitures s’engageaient
en respectant les intervalles, cependant elles s’entassaient à la sortie :
sur la rive droite, le verglas se reformait mais à la longue les roues
creusaient le sol, les nouveaux arrivés s’embourbaient, bouchaient la route des
forêts. Chargé de la sorte à son extrémité, l’ouvrage résistait mal. Les pontonniers
intervenaient à chaque instant pour redresser un chevalet défaillant ou
renforcer un assemblage. D’Herbigny avançait au pas, il évitait de lancer le
moindre regard à cette eau noire où tournaient des glaçons de belle taille.
Quelquefois l’un de ces blocs cognait une poutre, le tablier tanguait. Le
capitaine avait parcouru la moitié du pont quand, juste devant lui, une berline
s’immobilisa ; l’un de ses chevaux s’était abattu. Le cocher et les
passagers coupèrent les sangles qui retenaient l’animal et le poussèrent dans
l’eau, soulevant une haute gerbe d’écume.
    Le craquement des poutres devenait inquiétant. Le capitaine
prit l’initiative ; de portière en portière, il commanda aux voyageurs,
pour leur sécurité, de continuer à pied la traversée. Il allait cogner à la
vitre de la calèche des secrétaires, dont les chevaux piaffaient
dangereusement, lorsque le tablier se fendit ; les chevaux se prenaient
les paturons entre les troncs, la voiture versa dans le fleuve. Des dizaines de
torches éclairaient le drame.
    — Paulin ! cria le capitaine.
    Les pontonniers poussaient un radeau près de la
voiture ; elle naviguait de travers, tailladée par la glace, retenue par
un chevalet qu’elle finirait par emporter dans le courant ; tout allait
crouler. D’Herbigny confia sa torche ; d’une seule main, il se pendit au
rebord pour poser un pied sur la caisse de la voiture couchée. Il brisa la
vitre du talon. Sur le flanc horizontal de la calèche, le capitaine plongea un
bras à l’intérieur, poussa le loquet, ouvrit la portière. Dedans, des ombres
s’agitaient, des mains se tendirent. Les grenadiers lançaient des cordes, des
pontonniers ramaient vers l’accident. Chaque passager qu’on sauvait fut hissé
sur le pont. Où était Paulin ? Et Monsieur Roque ? D’Herbigny passa
le bras, palpa au hasard, réclama une lanterne pour visiter l’intérieur de la
calèche. Il n’y avait plus personne.
    — Monsieur !
    Paulin était assis au bord du pont avec Monsieur Roque et
des commis ; avisés du danger éventuel, ils avaient préféré marcher
derrière la voiture. Sébastien se pencha :
    — Monsieur d’Herbigny, regardez si vous ne voyez pas un
sac en cuir brun. J’y range mes livres.
    Le capitaine fit semblant de chercher mais il pensait que ce
jeune Monsieur Roque, même s’il était son voisin de Normandie, avait un joli
toupet.
     
    Sébastien et le

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