Il suffit d'un Amour Tome 2
prise, grogna l'un des brigands. Les bourses ne sont pas grasses. Autant les pendre tout de suite !
— Il y a les chevaux et les armes qui sont de bonne qualité, coupa sèchement celui qui semblait le chef. Et c'est moi qui décide.
Il courbait un peu sa haute taille maigre pour mieux examiner ses prisonniers et, soudain, il éclata de rire tandis qu'il ôtait le chiffon crasseux drapé sur son visage. Catherine vit avec quelque surprise qu'il était beaucoup plus jeune qu'elle n'aurait cru : vingt-deux ou vingt-trois ans peut-
être. Cependant tous les stigmates du vice précoce étaient inscrits sur cette figure sèche aux lèvres molles mais aux yeux aigus de rapace.
— Il n'y a que trois hommes dans cette brillante cavalcade ! s'écria-t-il.
Le reste est composé d'un moine et, Dieu me pardonne, de deux femmes.
— Deux femmes ? fit l'autre brigand avec stupeur, en se penchant à son tour pour mieux voir. Celle-ci, oui, ça crève les yeux, mais j'aurais bien juré que l'autre était un garçon.
Pour toute réponse, le chef tira sa dague, fendit le pourpoint de Catherine frémissante de rage, dénudant une partie de sa poitrine.
Avec un garçon comme ça, on doit pouvoir se passer de femmes, grogna-t-il joyeusement. Mais elle est trop mince pour moi ! J'aime les filles bien dodues. L'autre me convient mieux.
— Espèce de pourceau ! s'écria Catherine écumant de colère. Vous paierez cher l'audace d'avoir porté la main sur moi. Je suis la comtesse de Brazey et Monseigneur le duc de Bourgogne vous fera regretter cette agression... et ce geste !
— Je me moque du duc de Bourgogne comme d'une guigne, ma belle !
Et je vais te dire mieux : je considère qu'auprès de ce prince des traîtres, je suis un ange, moi, Fortépice... Mais, bien que mes gestes te déplaisent, je vais m'en permettre un autre, rien que pour voir si tu mens.
D'un revers de main, il arracha le camail qui couvrait la tête, le cou et les épaules de la jeune femme par-dessus son pourpoint. Les épaisses nattes dorées qu'elle avait soigneusement serrées autour de sa tête apparurent et brillèrent doucement sous la lumière pauvre que dispensait ce jour pluvieux.
Fortépice la considéra un instant, songeur, puis :
— La comtesse de Brazey, la belle maîtresse de Philippe de Bourgogne, passe pour avoir les plus beaux cheveux du monde. Si ce ne sont pas ceux-là, je veux bien être pendu !
— Soyez tranquille, fit Catherine sèchement, cela viendra !
— Le plus tard possible ! Allons, la prise est meilleure que je ne croyais.
Je gage que, pour te ravoir, ma belle, le duc Philippe se montrera royalement généreux. J'aurai donc l'honneur de t'offrir l'hospitalité de mon castel de Coulanges en attendant ta rançon. On y mange mal, mais on y boit bien.
Ceci compense cela. Quant aux autres... À propos, qui donc est cette belle dame aux yeux noirs qui me regarde comme si j'étais messire Satan.
— C'est ma suivante, répliqua la jeune femme.
Elle vous suivra donc, fit Fortépice soudain galant, avec un sourire qui inquiéta Catherine bien plus que le ton agressif qui l'avait précédé.
De fait, il se détourna vers son lieutenant et ordonna :
— Tranchemer, tu vas hisser les prisonnières et l'enfroqué sur leur monture. On les ramène. J'ai justement besoin d'un chapelain. Le moine fera l'affaire. Quant aux autres...
Le geste qui accompagnait ces derniers mots était si explicite et tellement affreux que Catherine s'insurgea :
— Vous n'allez pas tuer ces hommes ? Ils sont à mon service. Ce sont de braves soldats et de fidèles serviteurs. Je vous interdis d'y toucher. On paiera rançon pour eux aussi.
— Ça m'étonnerait fort ! fit Fortépice. Et je n'ai nul besoin de bouches supplémentaires à nourrir. Allez vous autres.
— Sale brute, hurla Catherine hors d'elle. Si vous commettez ce crime, je jure que...
Fortépice soupira profondément et fronça les sourcils.
— Oh... elle crie trop fort ! Elle crie beaucoup trop fort, cette péronnelle ! Et j'ai horreur que l'on crie. Fais-la taire, Tranchemer.
Malgré les cris et la défense que, toute ligotée qu'elle était, Catherine réussit à fournir, Tranchemer ; la bâillonna solidement avec l'affreux chiffon crasseux qui lui servait de masque. Force fut à Catherine, à demi étouffée et, de plus, incommodée par l'odeur de saleté du bâillon, de se taire. Les yeux agrandis d'horreur, elle dut voir deux hommes du brigand se pencher vivement sur les
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