Imperium
avec ceux qui te font ce genre de propositions sur le fait
que mes décisions ne sont pas à vendre et que je ne les prendrai qu’en fonction
de leurs mérites. À part cela, je me fie à ton jugement.
Cette conversation eut une grande importance pour moi. J’avais
toujours espéré qu’un jour Cicéron finirait par m’accorder ma liberté ; je
voyais donc sa permission de commencer à économiser comme une préparation à ce
jour. Les sommes que je touchai ainsi furent assez modestes – cinquante
sesterces par-ci, cent par-là – et l’on attendait de moi, en échange,
que j’attire l’attention du préteur sur un document, ou que je rédige une imperium lettre d’introduction qu’il n’aurait plus qu’à signer. Je
conservais l’argent dans une petite bourse, dissimulée derrière une brique
descellée du mur de ma petite alcôve.
En tant que préteur, Cicéron était censé prendre de jeunes
élèves de bonnes familles pour leur enseigner le droit, aussi, en mai, après la
vacance du Sénat, un jeune interne de seize ans rejoignit-il le cabinet. Il s’agissait
de Marcus Caelius Rufus, d’Interamnia, fils d’un riche banquier et membre
important de l’organisation des élections de la tribu Velina. Cicéron accepta,
principalement comme une faveur politique, de superviser la formation du garçon
pendant deux ans, au bout desquels il était convenu qu’il irait compléter son
apprentissage dans une autre maison – chez Crassus en l’occurrence,
car Crassus était un associé du père de Caelius, et le banquier tenait
absolument à ce que son héritier apprenne à gérer une fortune. Le père avait
tout de l’horrible prêteur à gages, petit et furtif, et il paraissait
considérer son fils comme un investissement qui ne semblait pas devoir
rapporter autant que prévu.
— Il a besoin d’être fouetté régulièrement,
annonça-t-il juste avant de le présenter à Cicéron. Il est plutôt intelligent,
mais indiscipliné et dissolu. Tu as ma permission de le fouetter autant que tu
le jugeras nécessaire.
N’ayant jamais fouetté quiconque de sa vie, Cicéron le
regarda de travers, mais heureusement, il s’entendit très bien avec le jeune
Caelius, aussi dissemblable de son père qu’il est possible de l’imaginer. Il
était grand et beau, et avait pour l’argent et les affaires une indifférence
détachée que Cicéron trouvait amusante. Moi, nettement moins, dans la mesure où
il m’incombait le plus souvent de faire à sa place toutes les tâches ennuyeuses
qu’il avait négligé d’accomplir. Mais je dois cependant concéder, avec le
recul, qu’il avait du charme.
Je ne m’attarderai pas sur les détails de la préture de
Cicéron. Il ne s’agit pas ici d’un ouvrage de droit et je sens bien votre
impatience de me voir arriver à l’apogée de mon récit, à savoir l’élection au
consulat. Qu’il suffise de dire que Cicéron fut considéré comme un juge honnête
et équitable et que la charge entrait facilement dans le domaine de ses
compétences. Lorsqu’il tombait sur un point de jurisprudence particulièrement
délicat et avait besoin d’un autre avis, soit il consultait son vieil ami et
condisciple de Molon, Servius Sulpicius, soit il allait voir le préteur
distingué du tribunal des élections, Aquilius Gallus, dans sa demeure du mont
Viminal. La plus grosse affaire qu’il eut à présider fut celle de Caius
Licilius Macer, parent et partisan de Crassus, poursuivi pour ses actions en
tant que gouverneur de Macédoine. Les audiences durèrent des semaines et, à la
fin, Cicéron résuma parfaitement la situation, bien qu’il ne pût s’empêcher de
faire une petite plaisanterie. L’essentiel des poursuites portait sur le fait
que Macer avait empoché un demi-million de sesterces en paiements illégaux.
Macer avait commencé par nier. Mais l’accusation avait fourni la preuve que
cette somme exacte avait été versée à une société de prêt contrôlée par lui.
Macer avait alors changé brusquement de version et assuré que, oui, il se
souvenait des paiements, mais qu’il les avait crus parfaitement légaux.
— Oui, dit Cicéron au jury, qu’il guidait sur les
détails des témoignages, il est possible que le défendeur croie cela.
Il observa un silence juste assez long pour que certains
puissent commencer à rire, et afficha une expression de feinte gravité.
— Non, non, il a très bien pu y croire. Auquel cas – nouveau
silence –,
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